Je bois avec vous, de cheval descendu,
Et demande ce que vous avez en vue.
Ne pouvant faire ce que vous voulez,
Dans les monts vous allez vous retirer.
“ Ne me demandez rien de plus!
J'irai errer comme la nue. ”
Poème chinois
「送别」
王维
下马饮君酒,问君何所之。
君言不得意,归卧南山陲。
但去莫复闻,白云无尽时。
Explication du poème
Ce poème composé par Wang Wei lors du retrait d'un ami dans la vie érémitique exprime à la fois sa compréhension envers ce choix et son propre désir de retraite. Le langage apparemment simple recèle une émotion profonde, révélant le détachement du poète face aux honneurs mondains et son aspiration à une vie libre et recluse.
Premier couplet : « 下马饮君酒,问君何所之。 »
Xià mǎ yǐn jūn jiǔ, wèn jūn hé suǒ zhī.
Descends de cheval et bois ce vin avec moi,
Dis-moi, ami, vers quel lieu tu te diriges.
Ces vers ouvrent le dialogue sur un geste d'hospitalité simple. L'invitation à boire (yǐn jūn jiǔ) cache une inquiétude affectueuse, tandis que la question (wèn jūn) introduit subtilement le thème du retrait. L'absence de cérémonial souligne l'authenticité de leur relation.
Deuxième couplet : « 君言不得意,归卧南山陲。 »
Jūn yán bù dé yì, guī wò Nánshān chuí.
"Las des déceptions", dis-tu,
"Je vais m'étendre aux flancs du Mont Nan."
La réponse de l'ami révèle une sagesse résignée. Bù dé yì ("ne pas trouver satisfaction") condense les désillusions mondaines, tandis que guī wò ("rentrer pour s'étendre") transforme le retrait en acte de renaissance. La localisation (Nánshān chuí) ancre cette retraite dans une géographie sacrée de l'érémitisme.
Troisième couplet : « 但去莫复问,白云无尽时。 »
Dàn qù mò fù wèn, bái yún wú jìn shí.
Pars donc sans plus de questions,
Les nuages blancs n'ont pas de fin.
L'adieu du poète atteint une perfection taoïste. L'impératif dàn qù ("va simplement") libère l'ami de tout remords, tandis que bái yún wú jìn ("nuages blancs infinis") peint l'éternité d'une existence libérée. Ces nuages deviennent les témoins silencieux de la vraie liberté.
Appréciation générale
Ce poème exprime avec une langue simple et naturelle la compréhension et le soutien du poète envers le choix érémitique de son ami. Sous une apparence dépouillée, le dialogue direct et les images naturelles recèlent une profondeur émotionnelle remarquable. La scène d'adieu autour du vin évite tout pathos superflu - la simple question "vers quel lieu tu te diriges" (wèn jūn hé suǒ zhī) introduit avec délicatesse les motivations du retrait. Cette sobriété expressive rend l'émotion d'autant plus palpable. Face aux confidences de l'ami, le poète ne formule aucune objection, mais encourage au contraire par ces mots : "Pars donc sans plus de questions" (dàn qù mò fù wèn), manifestant ainsi son respect pour ce choix tout en communiquant au lecteur une sérénité détachée des vanités mondaines.
Caractéristiques stylistiques
Wang Wei déploie ici un art de la simplicité chargée de sens. Le dialogue apparemment banal autour du partage du vin (xià mǎ yǐn jūn jiǔ) devient le véhicule d'une compréhension mutuelle profonde. L'image finale des "nuages blancs sans fin" (bái yún wú jìn shí), tout en soutenant le choix de l'ami, trahit l'idéal érémitique du poète lui-même.
Le langage, d'une concision philosophique, exprime avec une authenticité touchante des émotions complexes. Sans recourir à aucun ornement rhétorique, le poète atteint par la pureté des images naturelles et la sobriété de l'expression une puissance émotionnelle rare. Cette narration dépouillée révèle la profonde réflexion de Wang Wei sur les tensions entre retraite spirituelle et engagements mondains.
Éclairages
Ce poème nous enseigne que les émotions les plus profondes n'ont pas besoin d'expression sophistiquée - un langage simple peut porter une signification considérable. À travers des scènes quotidiennes et des images naturelles, le poète communique une réflexion intime, incarnant une attitude de détachement et de sérénité.
L'image des "nuages blancs sans fin" (bái yún wú jìn shí) transmet une philosophie de liberté et de retrait du monde, nous invitant à cultiver notre paix intérieure même dans la poursuite des réussites matérielles. Dans notre époque frénétique, ce message garde toute sa pertinence : la vraie richesse réside peut-être dans cette capacité à s'extraire des tumultes pour retrouver l'essentiel.
Traducteur de poésie
Xu Yuanchong
À propos du poète
Wang Wei (王维), 701 - 761 après J.-C., était originaire de Yuncheng, dans la province de Shanxi. Ses poèmes de paysages et d'idylles, aux images d'une grande portée et aux significations mystérieuses, ont été largement appréciés par les lecteurs des générations suivantes, mais Wang Wei n'est jamais vraiment devenu un homme de paysages et d'idylles.