Événement au Mont Zhong​​ ​​de Wang Anshi

zhong shan ji shi
L'eau du ruisseau coule silencieusement parmi les bambous,
À l'ouest des bambous, fleurs et herbes jouent avec la douceur du printemps.
Sous l'auvent de chaume, assis face à face toute la journée,
Pas un chant d'oiseau — la montagne n'en est que plus paisible.

Poème chinois

「钟山即事」
涧水无声绕竹流,竹西花草弄春柔。
茅檐相对坐终日,一鸟不鸣山更幽。

王安石

Explication du poème

Ce poème fut composé vers 1076 après que Wang Anshi, destitué de son poste de Premier ministre, se retira à Jiangning. Ayant connu deux nominations et deux disgrâces, ses réformes bloquées et encerclé d'opposants politiques, il choisit de se retirer sur le mont Zhong (aussi appelé mont Jiang ou mont Pourpre), site célèbre près de Jinling. Il y bâtit une modeste demeure pour étudier, fréquentant les moines et menant une vie simple. Ses poèmes tardifs, souvent centrés sur les paysages montagnards, expriment une sérénité détachée à travers des images paisibles et éthérées, tout en dissimulant une observation lucide de la réalité. Ce poème en est un représentant caractéristique.

Premier couplet : « 涧水无声绕竹流,竹西花草弄春柔。 »
Jiàn shuǐ wú shēng rào zhú liú, zhú xī huā cǎo nòng chūn róu.
"L'eau du ruisseau, silencieuse, serpente parmi les bambous ;
À l'ouest du bosquet, fleurs et herbes jouent avec la tendresse printanière."

Ce couplet dépeint la beauté matinale du mont Zhong au printemps. "Silencieuse" et "serpente" capturent la quiétude et les méandres du ruisseau, dont le flot discret mais ininterrompu traverse la bambouseraie. "Jouent avec la tendresse printanière" personnifie la nature, les plantes semblant se délecter de la saison. Le verbe "jouer" (弄) insuffle une dynamique poétique, transformant la scène en une danse végétale baignée de douceur. Le poète crée ainsi un monde à la fois animé et profondément paisible, reflet de l'idéal de tranquillité et de distance qu'il cultive intérieurement.

Second couplet : « 茅檐相对坐终日,一鸟不鸣山更幽。 »
Máo yán xiāng duì zuò zhōng rì, yī niǎo bù míng shān gèng yōu.
"Sous l'auvent de chaume, je m'assieds face [aux monts] des jours entiers ;
Pas un chant d'oiseau - la montagne n'en est que plus recueillie."

Ce couplet révèle la vie recluse du poète. "S'asseoir des jours entiers" traduit une quiétude extrême, harmonisant environnement et état d'esprit. Le vers final, "Pas un chant d'oiseau", évoque le célèbre "Les cris de cigales rendent le bois plus silencieux" de Wang Ji (dynastie Liang), mais Wang Anshi adopte une approche directe pour exprimer un silence absolu, plus en phase avec son tempérament sobre et stoïque. Ce silence peut aussi symboliser l'absence de calomnies et de conflits mondains, exprimant le soulagement du poète après s'être éloigné des tumultes politiques. La montagne est silencieuse par nature, mais le cœur humain rarement en paix - bien que retiré, le poète n'a pas totalement tourné le dos au monde, ce couplet recélant ainsi des significations profondes.

Lecture globale

Ce bref poème, centré sur le quotidien montagnard, peint en quatre vers seulement un paysage à la fois serein et vivant. Le premier couplet, avec "l'eau serpente" et "les fleurs jouent", esquisse une nature gracieuse et dynamique ; le second, avec "s'asseoir" et "pas d'oiseaux", approfondit l'atmosphère de solitude. Derrière l'amour apparent pour la nature et la quiétude retirée se cache un regard critique sur les luttes politiques et une introspection sur son propre détachement. Wang Anshi exprime ainsi une fermeté inébranlable : bien que retiré, ses convictions demeurent ; bien que solitaire, son esprit ne sombre pas.

Spécificités stylistiques

  • Représentation de la quiétude dans le mouvement
    Malgré les verbes d'action ("serpenter", "jouer"), le poème cultive une ambiance paisible, fusionnant mouvement et calme pour refléter l'état d'esprit du poète.
  • Précision lexicale, horizon infini
    Des mots comme "silencieuse", "serpente", "jouer", "recueillie" allient pictorialisme et profondeur philosophique. "Jouer avec la tendresse" personnifie avec vivacité ; "plus recueillie" condense avec force.
  • Description directe, sens implicite
    Rejetant l'artifice traditionnel du "calme suggéré par le bruit", Wang Anshi privilégie une approche frontale. Ce style "simple mais non simpliste" confère au poème à la fois légèreté et profondeur.
  • Fusion paysage-émotion, signification profonde
    La quiétude naturelle symbolise le retrait politique, mélangeant authenticité et allégorie. Le "silence" sous-entend un rejet du vacarme mondain et une observation rationnelle.

Éclairages

Plus qu'un simple poème paysager, cette œuvre reflète les sentiments politiques et l'état spirituel de Wang Anshi dans ses dernières années. Elle nous enseigne qu'après les turbulences de l'existence, préserver clarté intérieure et sérénité requiert autant de sagesse que de force. Le silence des montagnes n'est pas seulement un environnement épargné par les conflits, mais aussi le miroir de l'univers intérieur du poète. Cet équilibre entre absence de joie excessive et de tristesse, cette inflexibilité tranquille, incarnent la véritable sérénité et transcendance nées de l'expérience. Elle nous montre également qu'au cœur d'un monde bruyant, il est possible de trouver un ancrage intérieur, une paix et une fermeté d'esprit.

​À propos du poète​

Wang Anshi

Wang Anshi​​ (王安石, 1021 - 1086), originaire de Linchuan dans le Jiangxi, fut un éminent homme politique et lettré des Song du Nord. Figure centrale des "Réformes de Xining", son œuvre littéraire reflète tout autant l'acuité réformatrice que la profondeur philosophique de son esprit. Son Recueil de Linchuan, comprenant plus d'un millier de poèmes et écrits en prose, constitue l'expression la plus aboutie de l'esprit des lettrés-fonctionnaires de l'ère Song du Nord.

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