Chanson du Sud: La terre des empereurs depuis l’antiquité​​ ​​de Wang Anshi

yu jia ao · ping an xiao qiao qian zhang bao
Depuis l’antiquité, cette terre des empereurs,
Où flotte une majesté verdoyante et puissante.
Quatre cents ans se sont évanouis comme un rêve —
Hélas ! Les nobles des Jin ne sont plus que des tombes.

Je me promène librement le long des eaux,
Montant de tour en tour, toujours plus haut.
Ne me demandez pas des souvenirs lointains —
Regardez derrière vous :
Le fleuve, au-delà des balustrades, coule sans fin.

Poème chinois

「渔家傲 · 平岸小桥千嶂抱」
平岸小桥千嶂抱,柔蓝一水萦花草。
茅屋数间窗窈窕。
尘不到,时时自有春风扫。

午枕觉来闻语鸟,欹眠似听朝鸡早。
忽忆故人今总老。
贪梦好,茫然忘了邯郸道。

王安石

Explication du poème

Ce poème fut composé vers 1086, alors que Wang Anshi, ayant démissionné de son poste de Premier ministre, vivait en retraite semi-érémitique au mont Zhong de Jinling. Après les tumultes d'une carrière politique marquée par les controverses sur ses réformes, il se tourna vers la nature. Ce poème, né d'un éveil après une sieste bercé par des chants d'oiseaux, capture sa transition intérieure des "accomplissements politiques" vers "l'harmonie naturelle", imprégnant de philosophie une scène bucolique.

Strophe supérieure : « 平岸小桥千嶂抱,柔蓝一水萦花草。茅屋数间窗窈窕。尘不到,时时自有春风扫。 »
Píng àn xiǎo qiáo qiān zhàng bào, róu lán yī shuǐ yíng huā cǎo. Máo wū shù jiān chuāng yǎo tiǎo. Chén bù dào, shí shí zì yǒu chūn fēng sǎo.
"Un pont modeste serré par mille pics, Un cours d'eau bleuté ceint fleurs et herbes folles. Quelques chaumières aux fenêtres secrètes. Aucune poussière n'atteint ce lieu, Balayé sans fin par la brise printanière."

Les deux premiers vers dépeignent un paysage minéral et aquatique où 千嶂抱 ("mille pics étreignant") suggère une protection cosmique, tandis que 柔蓝 ("bleu doux") teinte l'eau d'une sensualité presque vivante. 茅屋数间 ("quelques chaumières") oppose délibérément cette simplicité rustique aux palais officiels. La clausule 春风扫 ("balayé par la brise") opère une sublimation : le nettoyage n'est pas seulement physique mais spirituel, lavant les soucis mondains.

Strophe inférieure : « 午枕觉来闻语鸟,欹眠似听朝鸡早。忽忆故人今总老。贪梦好,茫然忘了邯郸道。 »
Wǔ zhěn jué lái wén yǔ niǎo, yī mián sì tīng cháo jī zǎo. Hū yì gù rén jīn zǒng lǎo. Tān mèng hǎo, máng rán wàng le Hán dān dào.
"Éveillé de ma sieste aux gazouillis d'oiseaux, Couché, j'entends presque le chant du coq matinal. Soudain me reviennent mes vieux amis - tous vieillis. Avide de beaux rêves, J'oublie dans l'éther la route de Handan."

L'éveil (觉来) marque une transition sensorielle : les 语鸟 ("oiseaux parlants") remplacent les rappels bureaucratiques. L'illusion auditive 似听朝鸡早 ("entendre le coq matinal") superpose mémoire et présent. 故人今总老 ("mes vieux amis tous vieillis") cristallise la mélancolie temporelle. La référence finale à 邯郸道 ("route de Handan"), évocatrice du conte taoïste sur la vanité des ambitions, scelle sa conversion existentielle : le rêve politique s'efface devant la réalité organique.

Lecture globale

Ce poème, d'une sérénité toute en nuances, dépeint avec une grâce subtile la vie retirée de Wang Anshi durant ses dernières années. Les images du "petit pont aux berges plates" et de "l'eau d'un bleu tendre" composent un paysage à la fois vaste et délicat, semblable à ces lavis d'encre où chaque trait respire. Le passage de "l'oreiller de midi" aux "chants d'oiseaux" tisse un lien naturel entre le réel et l'onirique, fusionnant souvenirs et instant présent avec une fluidité remarquable. Cette œuvre atteint l'équilibre parfait entre description objective et émotion subjective - chaque détail paysager devient le miroir d'une métamorphose intérieure.

L'alternance entre joie paisible de l'ermite et évocation mélancolique des années révolues révèle une âme qui ne renie pas son passé mais le dépasse. Le poète ne sombre ni dans le rejet amer des ambitions passées, ni dans une contemplation béate : son regard, à la fois engagé et détaché, transforme l'expérience politique en sagesse. Cette alchimie fait de ce poème un joyau de la maturité créatrice de Wang Anshi.

Spécificités stylistiques

  • Fraîcheur picturale et composition raffinée
    Les vers comme "平岸小桥千嶂抱" (Un petit pont aux berges plates étreint par mille pics) révèlent un sens aigu de la composition spatiale, évoquant les principes picturaux du "vide actif" et des "trois distances" (平远, 高远, 深远). L'emploi de "柔蓝" (bleu tendre) pour l'eau démontre une sensibilité chromatique typique des lettrés Song.
  • Fusion organique entre paysage et état d'âme
    Le poème opère une transfusion continue entre monde extérieur et vie intérieure. Les "fenêtres élégantes" des chaumières reflètent la clarté d'esprit du poète, tandis que le "balayage printanier" symbolise une purification spirituelle.
  • Art de l'allusion et symbolisme discret
    L'usage du conte de Handan en conclusion fonctionne comme un "sceau" (印) venant authentifier la méditation poétique. Cette référence culturelle partagée avec le lectorat lettré enrichit le texte d'une dimension intertextuelle.
  • Langage naturel aux résonances profondes
    La simplicité apparente ("quelques chaumières", "brise printanière") cache une construction rigoureuse où chaque mot participe à l'architecture d'ensemble. Le rythme fluctue entre quiétude (strophe supérieure) et légère agitation (strophe inférieure), mimant les mouvements de l'âme.

Éclairages

Ce poème transmet une sagesse de vie : "accomplir son devoir puis se retirer dans les paysages". Wang Anshi, après s'être dévoué aux affaires de l'État et avoir promu ses réformes politiques, bien qu'animé par un idéal universel, sut dans ses dernières années se réjouir de la compagnie de la nature, regardant avec détachement gains et pertes. À l'ère contemporaine où le rythme de vie ne cesse de s'accélérer, ce poème nous enseigne qu'au cœur des tourbillons frivoles, nous devons préserver un sanctuaire mental tel que "l'eau d'un bleu tendre". Après le tumulte, apprendre à coexister avec soi-même et s'appuyer sur la nature, c'est ainsi seulement que nous pourrons véritablement éprouver cette liberté et sérénité que "nulle poussière mondaine n'atteint".

​À propos du poète​

Wang Anshi

Wang Anshi​​ (王安石, 1021 - 1086), originaire de Linchuan dans le Jiangxi, fut un éminent homme politique et lettré des Song du Nord. Figure centrale des "Réformes de Xining", son œuvre littéraire reflète tout autant l'acuité réformatrice que la profondeur philosophique de son esprit. Son Recueil de Linchuan, comprenant plus d'un millier de poèmes et écrits en prose, constitue l'expression la plus aboutie de l'esprit des lettrés-fonctionnaires de l'ère Song du Nord.

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