Fierté des Pêcheurs : Les lanternes éteintes à la mi-lune​​ ​​de Wang Anshi

yu jia ao · deng huo yi shou zheng yue ban
Les lanternes s’éteignent à la mi-lune,
Les fleurs éclatent au nord et au sud des monts.
On dit qu’aux ponts de Jian, les eaux débordent —
Je monte mon cheval lent,
Traversant les nuages pour trouver des compagnons.

Puis j’écarte les rideaux du lit monastique,
Mille pics et ravins baignés de vent tiède.
Un air de pin, triste comme une flûte abrupte,
Disperse mes rêves —
À l’ouest, le soleil à la fenêtre me semble trop court.

Poème chinois

「渔家傲 · 灯火已收正月半」
灯火已收正月半,山南山北花撩乱。
闻说洊亭新水漫,骑款段,穿云入坞寻游伴。

却拂僧床褰素幔,千岩万壑春风暖。
一弄松声悲急管,吹梦断,西看窗日犹嫌短。

王安石

Explication du poème

Ce poème fut composé durant la retraite de Wang Anshi au temple Dinglin du mont Zhong. Ayant démissionné de son poste de Premier ministre, il vivait alors dans les environs de Jiangning, se consacrant à la contemplation des paysages. Ce texte constitue un témoignage vivant de sa vie monastique et de ses excursions printanières, mêlant descriptions naturelles précises et évocation d'un état d'âme oscillant entre sérénité et mélancolie. Le langage, d'une fraîcheur rustique, privilégie le dépouillement descriptif, conférant à l'œuvre une tonalité unique dans la poésie des Song du Nord.

Première strophe : « 灯火已收正月半,山南山北花撩乱。闻说洊亭新水漫,骑款段,穿云入坞寻游伴。 »
Dēng huǒ yǐ shōu zhēng yuè bàn, shān nán shān běi huā liáo luàn. Wén shuō jiàn tíng xīn shuǐ màn, qí kuǎn duàn, chuān yún rù wù xún yóu bàn.
"Les lanternes du festival éteintes, mi-premier mois lunaire,
Fleurs éblouissantes couvrent les versants nord et sud.
On dit qu'aux ponts Jiàn les eaux débordent -
Monté sur mon âne nonchalant,
Je perce les nuages, pénètre les vallons, cherchant compagnons d'excursion."

Cette strophe capture l'instant où le poète, après les festivités du Nouvel An, part explorer le printemps naissant. Le contraste entre "lanternes éteintes" et "fleurs éblouissantes" crée une tension poétique remarquable. L'expression "fleurs撩乱" (éblouissantes) peint l'exubérance florale, tandis que "款段" (nonchalant) dépeint l'allure paisible de l'âne, reflet de la quiétude du poète. La succession dynamique des verbes 穿 (percer), 入 (pénétrer) et 寻 (chercher) restitue l'élan enthousiaste de cette quête printanière.

Seconde strophe : « 却拂僧床褰素幔,千岩万壑春风暖。一弄松声悲急管,吹梦断,西看窗日犹嫌短。 »
Què fú sēng chuáng qiān sù màn, qiān yán wàn hè chūn fēng nuǎn. Yī nòng sōng shēng bēi jí guǎn, chuī mèng duàn, xī kàn chuāng rì yóu xián duǎn.
"Retour : j'époussette la couche monastique, soulève le rideau blanc,
Mille pics, dix mille ravins baignés de brise printanière.
Soudain, le chant des pins - chalumeau plaintif et pressant -
Disperse mon rêve,
À l'ouest, la lumière à ma fenêtre me semble déjà trop brève."

Cette strophe marque le retour au calme monastique. La transition est habilement opérée par l'adverbe 却 (retour). La comparaison des pins à un "chalumeau plaintif" introduit une note mélancolique inattendue dans ce tableau printanier. La conclusion "lumière trop brève" révèle une nostalgie subtile, suggérant que même dans la retraite, la plénitude reste fugace.

Lecture globale

Ce poème s'apparente à une peinture de paysage printanier à la fois lumineuse et subtile, ou encore à une promenade spirituelle empreinte de quiétude mais chargée de sens cachés. La première strophe décrit une excursion printanière, tandis que la seconde évoque le retour au temple et le repos, formant une structure rigoureuse et fluide qui reflète la vie réelle de Wang Anshi retiré dans les montagnes durant ses dernières années.

Le contraste entre "les lanternes éteintes" et "les fleurs éblouissantes" est frappant - un moment calme succédant à l'animation, une fermeture suivie d'une ouverture, créant ainsi une atmosphère éthérée où "le tumulte cède à la tranquillité". Les images des ponts Jiàn, des vallons, des eaux printanières et des brumes contribuent à renforcer la beauté naturelle et l'ambiance recluse des montagnes. Le poète chevauchant son âne à la recherche de sites paisibles, d'une attitude calme et détachée, incarne parfaitement l'esprit de loisir lettré des Song, "en parfaite harmonie avec la nature".

Cependant, dans la seconde strophe, le rêve est interrompu par le chant des pins, et la conclusion "trouvant encore le jour trop court" révèle avec pudeur que, bien que retiré dans les montagnes, le cœur du poète n'a pas retrouvé une parfaite sérénité. Ce rêve trop bref, cette lumière déclinante à l'ouest, font naître une mélancolie discrète face à la beauté éphémère et insaisissable, constituant ainsi le moment le plus émouvant du poème.

Spécificités stylistiques

  • Dépouillement descriptif, sobre mais expressif :
    Le poème peint les paysages avec un langage direct, presque sans ornements, créant des images vivantes d'une simplicité raffinée.
  • Usage précis et dynamique des verbes :
    Des termes comme 穿云 ("percer les nuages"), 入坞 ("pénétrer les vallons"), 拂床 ("épousseter le lit"), 褰幔 ("soulever le rideau") et 吹梦断 ("dissiper le rêve") décrivent avec concision mais vivacité les actions, perceptions et émotions du poète.
  • Transition fluide et fusion émotion-paysage :
    Bien que les deux strophes présentent des atmosphères distinctes, leur enchaînement est naturel, formant un tableau tridimensionnel alternant lointain et proche, mouvement et calme.
  • Pensée sous-jacente à l'émotion, mouvement dans la quiétude :
    Même s'il s'agit d'une œuvre de loisir, des éléments comme le rêve interrompu par les pins ou le regret face au jour trop court révèlent les remous intérieurs du poète, ajoutant une profondeur psychologique subtile.

Éclairages

Ce poème révèle l'état d'esprit de Wang Anshi dans ses dernières années : bien que retiré dans les montagnes, son cœur n'était jamais totalement coupé du monde. Il trouvait consolation dans la nature et confiait ses réflexions aux paysages. L'œuvre nous rappelle que même dans la vie la plus recluse et paisible, peuvent se cacher des aspirations inachevées et des attachements difficiles à abandonner. À travers la beauté naturelle, l'homme et le monde parviennent à une trêve temporaire, gagnant un moment de quiétude. Cette tension entre vie concrète et spiritualité incarne parfaitement la triple identité de Wang Anshi - homme politique, philosophe et poète - dans toute sa complexité.

​À propos du poète​

Wang Anshi

Wang Anshi​​ (王安石, 1021 - 1086), originaire de Linchuan dans le Jiangxi, fut un éminent homme politique et lettré des Song du Nord. Figure centrale des "Réformes de Xining", son œuvre littéraire reflète tout autant l'acuité réformatrice que la profondeur philosophique de son esprit. Son Recueil de Linchuan, comprenant plus d'un millier de poèmes et écrits en prose, constitue l'expression la plus aboutie de l'esprit des lettrés-fonctionnaires de l'ère Song du Nord.

Total
0
Shares
Prev
Chanson du Sud : La terre des empereurs depuis l’antiquité​ de Wang Anshi
nan xiang zi · zi gu di wang zhou

Chanson du Sud : La terre des empereurs depuis l’antiquité​ de Wang Anshi

Depuis l’antiquité, cette terre des empereurs,Où flotte une majesté verdoyante

Next
Sur le fleuve​​ ​​de Wang Anshi
jiang shang · wang anshi

Sur le fleuve​​ ​​de Wang Anshi

Au nord du fleuve, la moitié du ciel automnal s’éclaircit,Les nuages du soir,

You May Also Like