Danse du Vent Printanier de Feng Yansi

wu chun feng · feng yan si
À peine ma parure sévère achevée, je maudis le vent printanier,
Devant le mur peint de la famille Song, à l’est.

Les orchidées, pleines de rancune, gardent leurs branches vertes,
Les pêchers et pruniers, silencieux, voient leurs fleurs rougir.

Les nids d’hirondelles s’accrochent aux rideaux roulés,
Là où chantent les loriot, le pavillon aux phénix est vide.

Où est donc passé ce jeune homme volage ?
Chaque nuit, il revient seulement dans mes rêves de printemps.

Poème chinois

「舞春风」
严妆才罢怨春风,粉墙画壁宋家东。
蕙兰有恨枝尤绿,桃李无言花自红。
燕燕巢儿罗幕卷,莺莺啼处凤楼空。
少年薄幸知何处,每夜归来春梦中。

冯延巳

Explication du poème

Ce poème fut composé sous la dynastie des Tang du Sud, durant la période chaotique des Cinq Dynasties et des Dix Royaumes. Bien que le régime des Tang du Sud ait été éphémère, il connut un essor culturel sans précédent, marquant une transition cruciale entre le style élégant et raffiné (wanyue) de la fin des Tang et celui des Song du Nord. Feng Yansi, figure majeure de cette époque, fut un proche conseiller des empereurs Li Jing et Li Yu. Alliant sensibilité littéraire et engagement politique, ses poèmes, souvent centrés sur les thèmes des regrets féminins et des sentiments amoureux, utilisent un langage délicat pour décrire le monde émotionnel des femmes. En réalité, ces poèmes "empruntent la voix féminine" pour exprimer ses propres réflexions sur le destin, les déceptions politiques et l'impermanence de la vie.

Bien que ce poème semble à première vue dépeindre la nostalgie et les regrets d'une femme, il peut également être lu comme une métaphore des émotions et du talent du poète lui-même. Dans le contexte des turbulences politiques et des fréquents changements de pouvoir des Tang du Sud, les "regrets des gynécées" devinrent pour de nombreux lettrés un moyen détourné d'exprimer leurs sentiments et de refléter leurs expériences personnelles. Feng Yansi, avec habileté, utilise le point de vue féminin pour exprimer des émotions, démontrant ainsi une compréhension profonde de la psychologie individuelle tout en incarnant la transition des styles littéraires des Cinq Dynasties vers la finesse des Song.

Premier distique : « 严妆才罢怨春风,粉墙画壁宋家东。 »
Yán zhuāng cái bà yuàn chūn fēng, fěn qiáng huà bì sòng jiā dōng.

"À peine ma parure achevée, je maudis la brise printanière,
Entre les murs peints et rosés, à l'est de la maison des Song."

Ce distique ouvre directement sur le thème : une femme vient de terminer sa toilette, mais est immédiatement submergée par une certaine mélancolie qui la pousse à "maudire la brise printanière", révélant ainsi une tristesse persistante. La seconde ligne situe le lieu de sa réclusion, "les murs peints et rosés" suggérant un statut social élevé, mais aussi une existence confinée dans l'intimité du gynécée. Ce distique plante le décor et établit le ton émotionnel du poème.

Second distique : « 蕙兰有恨枝尤绿,桃李无言花自红。 »
Huì lán yǒu hèn zhī yóu lǜ, táo lǐ wú yán huā zì hóng.

"Les orchidées, bien que pleines de regrets, gardent leurs tiges vertes,
Les pêchers et pruniers, silencieux, voient leurs fleurs rougir d'elles-mêmes."

Ce distique utilise les fleurs comme métaphores pour évoquer l'auto-appréciation et la retenue de la femme. Les orchidées symbolisent une femme de noble caractère qui, malgré ses regrets cachés, conserve sa grâce ; les pêchers et pruniers représentent une beauté florissante qui s'épanouit même sans admirateurs. C'est un exemple classique d'expression indirecte des sentiments, à la fois subtile et profonde.

Troisième distique : « 燕燕巢儿罗幕卷,莺莺啼处凤楼空。 »
Yàn yàn cháo ér luó mù juǎn, yīng yīng tí chù fèng lóu kōng.

"Les hirondelles nichent derrière les rideaux de soie enroulés,
Là où chantent les loriot, le pavillon phénix est vide."

Ce distique décrit une scène printanière dans le gynécée. Les hirondelles qui nichent et les loriot qui chantent devraient symboliser la vitalité, mais contrastent violemment avec "le pavillon phénix vide", soulignant la solitude du lieu. Le mouvement dans la tranquillité accentue le sentiment d'isolement ; sous les images élégantes se cache une émotion intense.

Quatrième distique : « 少年薄幸知何处,每夜归来春梦中。 »
Shào nián bó xìng zhī hé chù, měi yè guī lái chūn mèng zhōng.

"Où est donc ce jeune homme volage ?
Chaque nuit, il ne revient que dans mes rêves printaniers."

Le distique final exprime directement les regrets, révélant le cœur émotionnel du poème - une mélancolie mêlée de nostalgie envers un amant infidèle. Les retrouvailles oniriques montrent à la fois l'attachement persistant de la femme et son abandon dans la réalité. Cette conclusion, typique du style wanyue, est sincère et laisse une longue résonance.

Lecture globale

Ce poème décrit les regrets et la nostalgie d'une femme recluse, partant de sa tristesse intérieure et utilisant les paysages du gynécée et les éléments printaniers pour déployer ses émotions, fusionnant sentiments et scènes. L'ouverture avec "maudire la brise printanière" introduit la mélancolie de la femme, suivie par une comparaison avec les orchidées et les fleurs de pêcher, transition vers une expression plus subtile. La description de la solitude dans le gynécée renforce l'isolement de la femme, et la conclusion avec les rêves printaniers porte l'émotion à son apogée. Bien qu'aucun mot ne mentionne explicitement la "tristesse", chaque vers en est imprégné, dans un style élégant et enveloppant.

Spécificités stylistiques

  • Expression indirecte des sentiments : Les émotions sont transmises à travers des objets et des scènes, créant une beauté d'atmosphère profonde et résonnante.
  • Langage mélodieux : Des mots comme "tiges vertes", "fleurs rouges", "nids", "chants" ont une tonalité douce, mettant en valeur la touche féminine délicate.
  • Structure claire : Les quatre distiques passent de la description extérieure à la psychologie intérieure, des émotions implicites à l'expression directe, avec une progression logique et une rigueur formelle.
  • Équilibre tradition et innovation : Tout en s'inscrivant dans la tradition des "poèmes de regrets des gynécées", il transcende l'ancienne sensation de "mollesse" par une tension et une empathie remarquables.

Éclairages

Ce poème, bien qu'apparemment centré sur les regrets d'une femme recluse envers un amant infidèle, véhicule en réalité des émotions et des aspects humains plus vastes. Il nous montre que dans la littérature traditionnelle, même les perspectives "autres" (comme celle des femmes) peuvent devenir d'importants canaux d'expression pour les lettrés. Feng Yansi, en empruntant l'identité féminine, exprime une compréhension subtile de l'échec émotionnel, révélant non seulement une perspicacité psychologique aiguë, mais aussi un attachement et une appréciation des sentiments sincères.

Pour le lecteur contemporain, ce poème rappelle que dans les relations affectives, la plus profonde déception ne vient pas des disputes passionnées, mais des disparitions silencieuses et des déconnexions ; la plus profonde passion peut aussi ne trouver refuge que dans l'ombre d'un retour onirique. Le pouvoir de la littérature réside précisément dans sa capacité à transformer ces émotions indicibles en vers éternels, résonnant à travers le fleuve du temps. C'est à la fois une réalisation de l'esthétique littéraire et un témoignage de sincérité émotionnelle.

À propos du poète

Feng Yansi

Feng Yansi (冯延巳 903 - 960), prénom social Zhengzhong, originaire de Guangling (actuelle Yangzhou, Jiangsu), fut un célèbre poète de ci sous les Tang du Sud durant la période des Cinq Dynasties et Dix Royaumes. Nommé Vice-directeur gauche du Département des Affaires d'État (Zuo Puye Tongping Zhangshi), il jouit de la confiance absolue de l'empereur Li Jing. Ses ci tracèrent une nouvelle voie au-delà de la tradition Huajian, influençant directement des maîtres ultérieurs comme Yan Shu et Ouyang Xiu, jouant un rôle pivot dans la transition du ci d'"art des musiciens" vers "expression lettrée des fonctionnaires-érudits".

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