Chant de Pure Sérénité III de Li Bai

qing ping tiao III
La fleur illustre et la beauté se réjouissent l’une l’autre,
Toujours sous le regard souriant du souverain.
Pour dissiper l’infinie tristesse des vents de printemps,
Elle s’appuie, au nord du Pavillon d’Aloès, à la balustrade.

Poème chinois

「清平调 · 其三」
名花倾国两相欢,常得君王带笑看。
解释春风无限恨,沈香亭北倚阑干。

李白

Explication du poème

Ce poème est le final du triptyque de l'Chant de Pure Sérénité, composé lors de la même occasion. Si les deux premiers célébraient la beauté de Yang Guifei respectivement sous l'angle de l'immortalité et de l'histoire, celui-ci ramène entièrement la perspective au réel, se focalisant sur l'instant le plus émouvant du présent au Pavillon de l'Ébène : l'interaction profonde entre le souverain et sa concubine. D'un pinceau léger maîtrisant le lourd, Li Bai, dans un tracé extrêmement sobre, achève l'éloge suprême de cet amour impérial, tout en posant pour l'ensemble du cycle un point d'orgue à la résonance prolongée.

Premier couplet : « 名花倾国两相欢,常得君王带笑看。 »
Míng huā qīng guó liǎng xiāng huān, cháng dé jūnwáng dài xiào kàn.
Fleur célèbre et beauté à renverser un royaume, toutes deux joyeuses,
Souvent le souverain les regarde, un sourire aux lèvres.

Le premier vers, « toutes deux joyeuses », est l'âme du poème. Il ne s'agit plus d'un éloge unidirectionnel (fleur ou personne belle), mais pointe la relation harmonieuse, joyeuse et mutuellement épanouissante entre la « fleur célèbre » (pivoine), la « beauté à renverser un royaume » (concubine) et le « souverain » (Xuanzong). La fleur gagne en âme par la personne, la personne en grâce par la fleur, le souverain est comblé par cette scène harmonieuse. Le détail « un sourire aux lèvres » ramène Xuanzong du statut d'empereur majestueux à celui d'admirateur et d'amant enivré par la beauté, une scène chaleureuse et vivante.

Deuxième couplet : « 解释春风无限恨,沈香亭北倚阑干。 »
Jiěshì chūnfēng wúxiàn hèn, Chénxiāng tíng běi yǐ lángān.
Elle dissipe les regrets infinis du vent de printemps ;
Au nord du Pavillon de l'Ébène, elle s'accoude à la balustrade.

Ce couplet porte l'atmosphère à son apogée. « Dissipe » signifie dissiper, résorber. « Regrets infinis du vent de printemps » est une combinaison poétique et contradictoire : le vent de printemps, doux, aurait des « regrets » ? Ces « regrets » peuvent être la légère tristesse de la fugacité du printemps et de la joie éphémère, ou les regrets innommables des vicissitudes de la vie. La scène parfaite de communion entre la personne, la fleur et le souverain a le pouvoir de dissiper toute mélancolie. Le vers final, « Au nord du Pavillon de l'Ébène, elle s'accoude à la balustrade », tel un plan de film figé, grave éternellement dans la poésie, et dans la mémoire des Tang florissants, l'attitude nonchalante, élégante et heureuse de Yang Guifei. Ce sur quoi elle s'accoude n'est pas seulement la balustrade, mais la faveur impériale et la perfection de l'instant.

Analyse globale

En tant qu'œuvre conclusive du cycle, ce poème illustre l'habileté artistique suprême : voir la profondeur dans la plénitude, contenir le changement dans l'instant figé. Sans utiliser aucune allusion mythologique ou historique, dépeignant purement la scène présente, il atteint pourtant l'effet du « silence plus éloquent que le son ». Les trois mots « toutes deux joyeuses » résument avec précision le royaume harmonieux créé par Xuanzong, la concubine, la pivoine (et même tout le printemps), l'éloge le plus élégant et le plus convenable de l'amour impérial.

Cependant, la profondeur de Li Bai réside là. Lorsqu'il porte la beauté à l'extrême — « dissipe les regrets infinis du vent de printemps » — une sensation philosophique latente sur le temps et le destin émerge naturellement. Ce que la félicité ultime doit « dissiper », ce sont précisément ces « regrets infinis » omniprésents. Cela jette sur cette image de félicité extrême l'ombre très légère d'une prémonition de l'apogée suivi du déclin, donnant à tout le poème, sur le fond glorieux et radieux, une tonalité fraîche et profonde, s'accordant parfaitement au tempérament complexe, splendide et légèrement mélancolique, de tout le cycle de l'Air de Qingping.

Caractéristiques stylistiques

  • Esthétique harmonieuse de la « trinité » : Construit avec succès le modèle esthétique trinitaire « fleur célèbre - beauté - souverain », qui se reflètent mutuellement, formant ensemble un instant classique de l'esthétique de cour des Tang florissants.
  • Approfondissement de l'atmosphère par l'oxymore : La combinaison « vent de printemps » et « regrets infinis » crée une tension émotionnelle, élargissant considérablement la connotation du vers, permettant à la joie et à l'inquiétude latente de coexister.
  • Art de la conclusion par le paysage qui coupe l'émotion : Conclure par l'action statique de « s'accoude à la balustrade », d'une forte puissance visuelle, fige en elle tous les sentiments, éloges et émotions, les mots s'arrêtent mais le sens est infini, une clôture légère et puissante.
  • Clôture parfaite de la structure cyclique : Dernier poème, il revient de l'évocation du monde immortel (premier), de la comparaison historique (deuxième), à la contemplation du présent (troisième), accomplissant la boucle émotionnelle de l'illusoire au réel, de l'extérieur à l'intérieur.

Éclairages

Chant de Pure Sérénité III (troisième poème) nous fait percevoir ce qu'est « l'instant paroxystique du bonheur ». Il nous dit que ce que les émotions humaines et l'art peuvent capturer et célébrer, c'est précisément cet instant parfait où le corps, l'esprit et l'environnement fusionnent complètement. Cependant, l'enseignement plus profond de ce poème réside peut-être en ceci : la plénitude extrême elle-même contient une perception aiguë de l'« imperfection ». Le vers « dissipe les regrets infinis du vent de printemps », telle une lumière de sagesse, illumine l'essence de la joie et de la tristesse comme les deux faces d'une même réalité. Il nous rappelle de nous enivrer pleinement des beaux instants de la vie, tout en conservant une lucidité et une sérénité face à la fuite du temps et à l'impermanence des choses. La grandeur de Li Bai est de pouvoir, d'un trait de génie, dépeindre l'image la plus éclatante de son époque, tout en permettant aux générations futures d'entrevoir, dans cette image, la saveur universelle de la vie et la méditation éternelle sur l'existence.

À propos du poète

Li Bai

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.

Total
0
Shares
Prev
Chant de Pure Sérénité II de Li Bai
qing ping diao II

Chant de Pure Sérénité II de Li Bai

Une tige rougeâtre, de rosée et de parfum chargée ;Les amours du Mont Wu ne sont

You May Also Like