Les Bambous du Pavillon Sud​​ de Zeng Gong

nan xuan zhu
Denses et gracieux, quelques dizaines de tiges,
Même en temps de sécheresse, ils gardent leur noblesse.
Le vent les agite, dissipant mes soucis,
La pluie les lave, offrant à l’œil lointain leur fraîcheur.

Les jeunes pousses percent habilement les roches moussues,
Leur ombre légère s’étend sur le mur blanc.
Attends que le givre et la neige aient tout recouvert —
Viens alors admirer leur éclat de jade pur.

Poème chinois

「南轩竹」
密竹娟娟数十茎,旱天萧洒有高情。
风吹已送烦心醒,雨洗还供远眼清。
新笋巧穿苔石去,碎阴微破粉墙生。
应须万物冰霜后,来看琅玕色转明。

曾巩

Explication du poème

Ce poème fut composé sous le règne de l'empereur Shenzong (période Xining), alors que Zeng Gong, résidant dans sa demeure officielle en province, contemplait souvent le paysage pour exprimer ses sentiments. « Les Bambous de la véranda sud » dépeint une touffe de bambous luxuriants devant la fenêtre méridionale, à travers lesquels l'auteur projette ses aspirations spirituelles et ses réflexions sur la vie. Connu pour son intégrité, Zeng Gong avait l'habitude d'incarner des principes dans ses descriptions naturelles. Ce poème "emprunte les objets pour exprimer ses idéaux" (托物言志), utilisant le bambou comme miroir de l'homme, révélant son admiration sincère pour un caractère noble et une résistance inflexible.

Premier couplet : « 密竹娟娟数十茎,旱天萧洒有高情。 »
Mì zhú juān juān shù shí jīng, hàn tiān xiāo sǎ yǒu gāo qíng.
Denses bambous gracieux - quelques dizaines de tiges,
En temps de sécheresse, gardant leur fière élégance.

Ce couplet décrit la forme pour révéler l'essence. « Gracieux » (娟娟) peint la beauté droite et souple des bambous, tout en soulignant leur nombre important mais ordonné. Le cadre de « sécheresse » met en valeur leur résistance inaltérée, suggérant une fermeté de caractère qui manifeste leur « noblesse d'âme » (高情).

Deuxième couplet : « 风吹已送烦心醒,雨洗还供远眼清。 »
Fēng chuī yǐ sòng fán xīn xǐng, yǔ xǐ hái gōng yuǎn yǎn qīng.
Le vent dans leurs feuilles dissipe les soucis,
La pluie les lavant offre au loin un regard clair.

Ce couplet présente les différentes beautés des bambous sous le vent et la pluie, transformant le paysage en remède pour l'âme. La nature est personnifiée en consolatrice, dans une fusion parfaite de scène et de sentiment porteuse d'une profonde signification.

Troisième couplet : « 新笋巧穿苔石去,碎阴微破粉墙生。 »
Xīn sǔn qiǎo chuān tái shí qù, suì yīn wēi pò fěn qiáng shēng.
Les jeunes pousses traversent adroitement mousses et rochers,
Leurs ombres brisées caressent délicatement le mur blanc.

Ici, la vitalité des bambous et leur jeu de lumière sont dépeints. « Traversent adroitement » montre leur persévérance dynamique, tandis que « ombres brisées » décrit leur danse lumineuse, créant une beauté de cour à la fois paisible et vivante, véritable tableau poétique.

Quatrième couplet : « 应须万物冰霜后,来看琅玕色转明。 »
Yīng xū wàn wù bīng shuāng hòu, lái kàn láng gān sè zhuǎn míng.
Il faut attendre que givre et gel aient tout éprouvé,
Pour voir leur jade vert éclater de clarté.

La conclusion révèle que les bambous, comme le jade « langgan » (琅玕), gagnent en pureté après les épreuves hivernales. Cette image symbolise un caractère qui s'ennoblit dans l'adversité, exprimant l'idéal du poète : une vertu aussi limpide que le jade, une résistance aussi ferme que le bambou.

Lecture globale

Ce poème offre une description minutieuse des bambous dans une cour, révélant leur noblesse et leur vitalité sous différentes conditions climatiques. Les deux premiers distiques mettent l'accent sur leur élégance et le réconfort psychologique qu'ils procurent, tandis que les deux suivants dépeignent leur croissance et leur beauté visuelle. Le distique final, avec la comparaison aux « perles de jade », élève le sujet, transformant une simple évocation végétale en allégorie de l'idéal humain. D'une structure rigoureuse, fusionnant paysage et émotion, le poème incarne des principes philosophiques à travers la nature, capturant à la fois la quiétude et le dynamisme du bambou. C'est à la fois un hymne esthétique à la nature et une expression poétique de l'idéal moral.

Spécificités stylistiques

  • Allégorie humaine, expression des idéaux à travers les objets
    Le bambou, protagoniste du poème, symbolise non seulement la beauté naturelle mais aussi la fermeté et la noblesse du caractère humain.
  • Langage concis, imagerie lumineuse
    Des vers comme « Les jeunes pousses habiles percent les roches moussues » ou « L'ombre fragmentée fissure à peine le mur de plâtre » offrent une pictorialité raffinée, typique du goût esthétique des Song.
  • Fusion raison-sentiment, profondeur suggérée
    Derrière la description apparente du bambou se cache une célébration des vertus d'intégrité et de persévérance, riche en significations implicites.

Éclairages

Ce poème nous enseigne que la véritable noblesse humaine, comme le bambou, reste droite et pure malgré sécheresses et gelées, sans jamais altérer son essence. Face aux épreuves de l'existence, nous devrions cultiver la résilience, la liberté intérieure et la retenue du bambou, révélant après l'orage notre beauté authentique. En s'identifiant au bambou, le poète évoque la culture de soi et la clarté des aspirations, nous rappelant qu'au milieu du tumulte mondain, seule la maîtrise de soi et la lucidité permettent de faire briller l'éclat de jade de la vie.

​À propos du poète​

Zeng Gong

Zeng Gong (曾巩 1019 - 1083), originaire de Nanfeng dans la province du Jiangxi, compte parmi les illustres "Huit Grands Maîtres de la Prose des Tang-Song". Ses écrits se distinguent par leur équilibre classique élégant, célébrés pour leur argumentation rigoureuse et leur artisanat littéraire raffiné. Alors que sa poésie embrassait une subtilité sans artifice, sa prose atteignit ce que les critiques ont qualifié de "quintessence de pureté" - un accomplissement qui, bien que peut-être moins éclatant que celui de ses contemporains comme Su Shi ou Wang Anshi, lui valut une révérence posthume en tant que maître fondateur de "l'École Littéraire Nanfeng".

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