Notre ami s’est retiré sur la montagne de l’Est,
Il aime la beauté sauvage de ces collines et ravins.
Par les beaux jours, il dort dans le bois solitaire,
Et ne se lève pas même au soleil levant.
Le vent dans les pins purifie ses manches ;
L’eau de la source lave son cœur et ses oreilles.
Je l’envie, loin des troubles et du bruit,
Reposant sur l’oreiller des brumes émeraude.
Poème chinois
「题元丹丘山居」
李白
故人栖东山,自爱丘壑美。
青春卧空林,白日犹不起。
松风清襟袖,石潭洗心耳。
羡君无纷喧,高枕碧霞里。
Explication du poème
Ce poème est une dédicace de Li Bai à son ami proche Yuan Danqiu, composée pour célébrer sa vie érémitique. Yuan Danqiu comptait parmi les plus importants compagnons taoïstes de Li Bai, leurs relations étant marquées par une intimité et des affinités spirituelles profondes. Cette œuvre ne dépeint pas seulement avec vivacité l'image érémitique de Yuan Danqiu, détaché des soucis mondains, mais exprime aussi l'aspiration sincère de Li Bai pour la vie recluse et son propre sentiment de distance face aux troubles du monde.
Premier couplet : « 故人栖东山,自爱丘壑美。 »
Gùrén qī dōngshān, zì ài qiūhè měi.
Mon vieil ami se retire sur la Montagne de l'Est, Par amour même de la beauté des vaux et des coteaux.
L'ouverture présente directement le personnage, le lieu et l'événement. « Par amour même » est la clé, révélant la motivation intérieure et active de la retraite de Yuan Danqiu - un choix né d'un amour sincère pour la beauté naturelle, non d'une contrainte extérieure, établissant le ton détaché de l'ensemble du poème.
Deuxième couplet : « 青春卧空林,白日犹不起。 »
Qīngchūn wò kōng lín, báirì yóu bù qǐ.
Par un jeune printemps, il repose dans le bois vide, Même en plein jour, il ne se lève toujours pas.
Ce distique dépeint le mode de vie érémitique par des détails typiques. « Jeune printemps » et « repose dans le bois vide » forment un contraste ingénieux : là où les gens du commun chérissent le printemps pour les excursions, l'ermite demeure couché tranquille, soulignant un rythme de vie et des valeurs différant radicalement des coutumes mondaines. « Même en plein jour, il ne se lève toujours pas » n'est pas de la paresse, mais un rejet délibéré de l'injonction sociale à la « diligence », manifestant une indépendance d'esprit absolue.
Troisième couplet : « 松风清襟袖,石潭洗心耳。 »
Sōng fēng qīng jīn xiù, shí tán xǐ xīn ěr.
Le vent dans les pins purifie sa poitrine et ses manches, La source pierreuse lave son cœur et ses oreilles.
Ce distique passe des manifestations extérieures à la culture intérieure. « Le vent dans les pins purifie sa poitrine et ses manches » évoque une purification extérieure, tandis que « la source pierreuse lave son cœur et ses oreilles » fait subtilement allusion à l'histoire de Xu You lavant ses oreilles, symbolisant le rejet ultime des honneurs mondains et des informations superflues. Le « purifie » du vent et le « lave » de l'eau accomplissent de concert une purification spirituelle de l'extérieur vers l'intérieur.
Quatrième couplet : « 羡君无纷喧,高枕碧霞里。 »
Xiàn jūn wú fēn xuān, gāo zhěn bì xiá lǐ.
Je t'envie, libre de tout fracas, Ta haute tête repose dans les brumes vertes.
Le distique final exprime directement les sentiments, précisant l'intention dédicatoire. « Envie » est l'œil du poème, condensant toute l'admiration et l'aspiration de Li Bai pour le mode de vie de son ami. « Libre de tout fracas » est la négation du monde mondain, « repose dans les brumes vertes » est la sublimation poétique de la vie érémitique, fixant l'image de Yuan Danqiu dans une peinture quasi immortelle.
Lecture globale
La structure de ce poème est rigoureuse, suivant une progression claire : « de l'homme au paysage, de l'extérieur à l'intérieur, aboutissant à l'expression des sentiments ». Les deux premiers distiques esquissent le comportement unique de l'ermite, les deux derniers approfondissent son monde spirituel et expriment ses propres aspirations. Li Bai façonne habilement Yuan Danqiu en une image fusionnant l'idéal érémitique taoïste et l'élégance des lettrés des Wei-Jin. Des actions comme « reposer dans le bois vide » et « laver le cœur et les oreilles » sont à la fois un retour à la nature et une affirmation de l'indépendance personnelle. Le poème recèle une profonde signification dans une description simple, exprimant une admiration extrême pour un mode de vie hautement conscient et spirituellement libre.
Spécificités stylistiques
- Combinaison de description réaliste et de symbolisme spirituel : Le poème chois des scènes de vie concrètes comme « reposer dans le bois », « écouter le vent », « se tenir près du bassin », à la fois réalistes et porteuses d'une signification symbolique spirituelle transcendante.
- Usage et innovation des allusions : L'allusion à « laver le cœur et les oreilles » est utilisée avec naturel, sans trace de artifice, tout en approfondissant la signification poétique et enrichissant la connotation culturelle.
- Utilisation de la technique de contraste : Le contraste entre la beauté du « jeune printemps » et la quiétude de « reposer dans le bois vide », le « fracas » mondain et les « brumes vertes » immortelles, renforce la valeur et le charme de la vie érémitique.
- Langage simple mais riche en signification : L'ensemble est presque sans fioriture, naturel comme la parole, mais l'usage précis de verbes comme « se retirer », « aimer », « purifier », « laver », « envier » permet une expression pleine d'émotion et d'atmosphère.
Éclairages
Ce poème révèle une question intemporelle : comment se situer dans un monde plein de troubles. La « retraite montagnarde » de Yuan Danqiu n'est pas une évasion passive, mais un choix actif et la construction d'un espace permettant de préserver l'indépendance et la clarté d'esprit. Il nous inspire que la vraie quiétude ne réside pas nécessairement dans l'éloignement de la foule, mais dans la capacité intérieure à ériger une défense contre le « fracas » extérieur et à trouver les « brumes vertes » permettant de « reposer la tête en paix ». À l'ère de l'explosion de l'information et du rythme effréné de la société moderne, cette sagesse de préserver une terre intérieure pure et de maintenir l'autonomie spirituelle est particulièrement précieuse.
À propos du poète

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.