Lune sur les passes et les monts de Shen Quanqi

guan shan yue · shen quan qi
La lune des Han s'élève sur la mer du Liao,
Lueur voilée, elle répand sa clarté diffuse.

Elle voit la commanderie de Xuantu s'assoupir,
Et, au cœur de la nuit, encercler le mont Bai Deng.

La pénombre tombe sur les cols et monts lointains,
Sa lumière contient la faible lueur du givre.

Le général écoute le cor de l'aube,
Son cheval de guerre aspire à revenir au sud.

Poème chinois

「关山月」
汉月生辽海,朣胧出半晖。
合昏玄菟郡,中夜白登围。
晕落关山迥,光含霜霰微。
将军听晓角,战马欲南归。

沈佺期

Explication du poème

Ce poème fut composé sous la dynastie Zhou de Wu, une période marquée par de fréquents conflits frontaliers. Alors qu'il servait à la cour, Shen Quanqi était constamment informé des guerres incessantes dans le nord. Le titre « La Lune aux passes et monts » reprend un thème ancien du Bureau de la musique des Han, souvent utilisé par les poètes pour exprimer la tristesse de la séparation entre les guerriers et leurs épouses ou pour réfléchir sur la guerre. Tout en perpétuant cette tradition, Shen Quanqi utilise habilement la « lune » comme image unificatrice du poème – éclairant à la fois les frontières et les terres centrales, à la fois claire, lointaine et implicitement teintée de la tristesse des affaires humaines. Le poète ne décrit pas directement la douleur humaine, mais utilise le « parcours de la lune » comme fil conducteur, créant le mouvement dans la tranquillité, permettant au lecteur de ressentir une profonde solitude et la froideur désolée de la guerre sous sa clarté.

Premier couplet : « 汉月生辽海,朣胧出半晖。 »
Hàn yuè shēng Liáo hǎi, tóng lóng chū bàn huī.
La lune des Han s'élève sur la mer du Liao,
Voilée, elle émet une lueur à demi.

« Lune des Han » (汉月) indique la lune de la civilisation Han, symbolisant la patrie et évoquant le contexte historique des expéditions dans le Liaodong. « Voilée, elle émet une lueur à demi » (朣胧出半晖) décrit doucement la lune naissante, le calme contenant la distance, le froid contenant la tristesse. Le poète utilise « s'élève » (生) pour montrer le mouvement de la lune apparaissant à l'est, préparant la scène nocturne du front.

Deuxième couplet : « 合昏玄菟郡,中夜白登围。 »
Hé hūn Xuāntù jùn, zhōng yè Báidēng wéi.
Au crépuscule, [elle illumine] la commanderie de Xuantu,
Au milieu de la nuit, le siège de Baideng.

« Xuantu » (玄菟) et « Baideng » (白登) sont d'anciens champs de bataille du nord. La lune se déplace de la mer du Liao, illuminant un lieu après l'autre, symbolisant l'étendue sans fin de la guerre. Le poète ne décrit pas les armes, mais alterne noms de lieux et moments (crépuscule, milieu de la nuit), suggérant des feux de guerre continus et des combats incessants. Ce couplet fusionne le parcours de la lune et les souffrances humaines avec retenue et profondeur.

Troisième couplet : « 晕落关山迥,光含霜霰微。 »
Yùn luò guān shān jiǒng, guāng hán shuāng sǎn wēi.
Le halo tombe, passes et monts lointains ;
La lumière contient un faible givre et grésil.

Ce couplet utilise le paysage pour accentuer l'émotion, la lumière de la lune devenant plus froide. « Le halo tombe » (晕落) suggère l'approfondissement de la nuit et son froid accru ; « faible givre et grésil » (霜霰微) combine vue et toucher, créant une atmosphère silencieuse et glaciale. Le poète ne mentionne pas les combats, laissant le lecteur sentir le froid de la frontière et les peines des guerriers dans la clarté lunaire.

Quatrième couplet : « 将军听晓角,战马欲南归。 »
Jiāngjūn tīng xiǎo jiǎo, zhànmǎ yù nán guī.
Le général écoute le cor de l'aube,
Son cheval de guerre semble désirer retourner au sud.

La conclusion passe de la lune à l'homme, du calme au mouvement. Le « cor de l'aube » (晓角) rompt la longue nuit frontalière, à la fois clairon militaire et symbole de la guerre persistante. « Son cheval de guerre semble désirer retourner au sud » (战马欲南归) est particulièrement émouvant, personnifiant le désir de retour, utilisant le cheval pour exprimer les sentiments humains, logeant la loyauté courageuse et la tristesse nostalgique.

Lecture globale

Le poème est entièrement structuré autour du parcours de la lune, de sa « naissance sur la mer du Liao » à son illumination de « Xuantu », puis à la « chute du halo sur les passes et monts », créant un flux continu de temps et d'espace. Aucune scène de bataille n'est directement décrite ; la froide clarté de la lune reflète la désolation de la frontière et la solitude des guerriers, créant une atmosphère où « le mouvement perce dans le calme, la profondeur grandit avec la distance ».
Le poète fait habilement de la « lune » un médiateur entre la patrie et la frontière – elle est à la fois la lune des terres centrales et celle des confins ; elle éclaire la guerre et témoigne de la nostalgie. Shen Quanqi exprime une profonde compassion avec une retenue calme, illustrant la transition des poètes du début des Tang d'un style de cour fleuri vers une vérité émotionnelle et une imagerie plus profonde.

Spécificités stylistiques

  • La lune comme fil conducteur, fusion du paysage et de l'émotion : Le poème utilise le parcours lunaire pour montrer les changements spatio-temporels, faisant du paysage le vecteur de l'émotion.
  • Concision et retenue, le mouvement logé dans le calme : Il ne décrit pas la violence des batailles, mais la froide clarté lunaire, utilisant le calme pour accentuer le mouvement.
  • Symbolisme profond : La lune symbolise la patrie, le pays natal et une nostalgie éternelle, possédant une force émotionnelle transcendante.
  • Rigueur formelle, harmonie tonale : Les antiphrases sont précises, la mélodie fluide, montrant la maîtrise artistique de Shen Quanqi, pionnier du poème régulier.
  • Émotion profonde mais non explicite : Passant du paysage au sentiment, logeant la tristesse dans la beauté, c'est un exemple typique du « style Tang à la froideur pénétrante ».

Éclairages

Cette œuvre utilise une lune unique pour illuminer mille lieues de passes et monts, reflétant la désolation de la guerre et le désir de retour des cœurs. Elle nous révèle que la véritable tristesse ne vient pas des cris bruyants, mais de la clarté silencieuse. Shen Quanqi, avec la froideur lunaire, décrit la souffrance de la passion ; avec un pinceau dépeignant des scènes claires, épuise la douleur du chaos et de la séparation. Le « cheval de guerre désirant retourner au sud » n'est pas seulement l'expression des guerriers, mais symbolise aussi le désir humain éternel de paix et de retour. La lumière de la lune, bien que froide, illumine la chaleur humaine et l'espoir – c'est là l'éclat humaniste le plus touchant de la poésie de Shen Quanqi.

À propos du poète

Shen Quanqi

Shen Quanqi (沈佺期 env. 656-715), prénom social Yunqing, né à Neihuang dans le Henan, fut un important poète du début de la dynastie Tang. Célèbre aux côtés de Song Zhiwen sous l'appellation "Shen-Song", leur œuvre a joué un rôle décisif dans la fixation des règles du vers régulier à cinq caractères (wuyan lüshi) de la poésie tang. Ses poèmes, souvent des compositions de cour ou des méditations inspirées par ses voyages, se caractérisent par une élégance raffinée et une rigueur structurelle. Particulièrement habile dans le vers régulier à sept caractères (qilü), son écriture incarne la transition entre l'héritage des Six Dynasties et l'âge d'or de la Grande Tang. Son apport revêt une importance capitale dans le développement de la poésie à forme fixe (jintishi).

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