Ciel d'automne, pureté des cieux,
Le char solaire accomplit son cours.
À midi, l'ombre au pied des arbres précieux,
Le cadran solaire indique midi, toujours.
Vert dais répand des couleurs rondes,
Miroir brillant, fleurs légères écloses.
Le zénith, présage de félicités profondes,
Nous admirons l'éclat de jade qui se pose.
Poème chinois
「奉和咏日午」
虞世南
高天净秋色,长汉转曦车。
玉树阴初正,桐圭影未斜。
翠盖飞圆彩,明镜发轻花。
再中良表瑞,共仰璧晖赊。
Explication du poème
Ce poème ancien est une œuvre de circonstance composée pour la cour. L'empereur Taizong des Tang avait souvent pour habitude, lors de banquets, de commander aux ministres de composer des poèmes, ce que l'on appelait « Fenghe » (奉和, « composer en harmonie »). Ce poème, situé à midi un jour d'automne, décrit le paysage naturel et l'atmosphère propice de cette heure. Il allie la fraîcheur lyrique de la description scénique à la magnificence et à la dimension élogieuse des poèmes de cour. L'usage des allusions y est habile ; la depiction du ciel limpide et de la lumière éclatante du soleil de midi est à la fois une célébration de la nature et une louange implicite de l'empereur, reflétant les caractéristiques de la littérature de cour du début de la dynastie Tang.
Premier couplet : « 高天净秋色,长汉转曦车。 »
Gāo tiān jìng qiū sè, cháng hàn zhuǎn xī chē.
Le ciel immense purifie les couleurs de l'automne ;
Le long fleuve céleste fait tourner le char du soleil.
Ici, « ciel immense » (高天) et « long fleuve céleste » (长汉, la Voie lactée) évoquent l'immensité de la voûte céleste. « Char du soleil » (曦车) est une expression mythologique pour désigner le soleil. Le poète compare le mouvement du soleil de midi à la rotation d'une roue de char, exprimant à la fois la loi naturelle de son cours et la splendeur du ciel, ouvrant le poème sur une vision grandiose.
Deuxième couplet : « 玉树阴初正,桐圭影未斜。 »
Yù shù yīn chū zhèng, tóng guī yǐng wèi xié.
L'ombre des arbres de jade vient juste de se redresser ;
L'ombre du cadran solaire en bois de phœnix n'est pas encore oblique.
Ce couplet décrit la scène de midi. L'ombre étant verticale, ni penchée ni oblique, les images des « arbres de jade » (玉树) et du « cadran en bois de phœnix » (桐圭) évoquent une élégance majestueuse et raffinée. C'est à la fois une peinture du paysage et une allusion, à travers la rectitude naturelle, à un gouvernement juste.
Troisième couplet : « 翠盖飞圆彩,明镜发轻花。 »
Cuì gài fēi yuán cǎi, míng jìng fā qīng huā.
Le dais de jade émet des lueurs rondes et vives ;
Le miroir brillant laisse échapper de légères fleurs.
Ici, des métaphores somptueuses sont employées. « Dais de jade » (翠盖) métaphorise les nuages colorés, « miroir brillant » (明镜) métaphorise le soleil, toutes des expressions fastueuses. Le soleil et les nuages irisés se reflètent mutuellement, comme si une lumière pétillante, semblable à des pétales, se répandait sur le monde, révélant un éclat et une harmonie.
Quatrième couplet : « 再中良表瑞,共仰璧晖赊。 »
Zài zhōng liáng biǎo ruì, gòng yǎng bì huī shē.
Sa position centrale au zénith est un bon présage ;
Tous lèvent les yeux vers cette lumière lointaine, semblable à un disque de jade.
Ce couplet souligne l'intention du poème de circonstance, élevant la scène de midi au rang d'un signe propice, impliquant une louange de l'empereur et de la prospérité de la voie royale, partagée par tous.
Lecture globale
Le poème débute par une description naturelle pour se déployer progressivement : du ciel lointain à l'ombre verticale de midi, puis à l'interaction des nuages et de la lumière du soleil, pour finalement culminer sur une note de bon augure et de louange. Le langage poétique est fastueux sans perdre en élégance, l'ambiance est vaste et imprégnée de sérénité. La première partie décrit le paysage, mettant en valeur la beauté naturelle d'un automne clair et frais et d'un midi sans déviation ; la seconde partie porte un message, utilisant la rectitude du soleil et la splendeur de sa lumière pour symboliser la vertu de l'empereur et la justesse de la voie royale. En tant que poème de circonstance, il remplit sa mission élogieuse tout en manifestant, dans sa description, le style artistique frais et élégant de Yu Shinan.
Spécificités stylistiques
- Caractère de circonstance marqué : Passe des phénomènes naturels à la louange et aux présages, avec une structure rigoureuse.
- Allusions fastueuses : L'utilisation d'expressions comme « char du soleil » (曦车), « dais de jade » (翠盖), « miroir brillant » (明镜), etc., combine métaphores et allusions classiques, empreintes de l'atmosphère de la littérature de cour.
- Progression par étapes : D'abord le ciel, puis la terre ; de la scène à l'idée ; de la nature à l'humain, une avancée méthodique.
- Fraîcheur et élégance : Bien qu'œuvre de louange, le langage reste frais et naturel, évitant une ornementation excessive, reflétant l'élégance unique de Yu Shinan.
Éclairages
Ce poème ancien décrit la clarté des paysages de midi en automne : un ciel pur, la rotation de la Voie lactée, la lumière du soleil, l'ombre droite des arbres, les nuages colorés, une brillance étincelante, pour finalement exprimer, à travers un présage propice, le vœu de paix et de stabilité dans le monde. À travers une description progressive des éléments naturels, le poète montre à la fois la magnificence et l'harmonie du zénith, et implique un éloge de l'âge d'or et de la gratitude envers un souverain éclairé. Il nous inspire ainsi : la lumière et l'ordre de la nature symbolisent la prospérité et la stabilité de la société. Et l'être humain, dans cette vaste étendue entre ciel et terre, devrait cultiver respect et gratitude. Tout comme la lumière du soleil brille impartialement pour tous, l'homme devrait aussi traiter autrui avec intégrité et franchise, répondre à la clarté du ciel et de la terre par la limpidité de son propre cœur.
À propos du poète
Yu Shinan (虞世南 558 - 638), originaire de Yuyao dans la province du Zhejiang, fut un éminent homme d’État, écrivain, calligraphe et politicien durant l’ère Zhenguan des débuts de la dynastie Tang. Il figurait parmi les « Vingt-Quatre Officiers Méritants du Pavillon Lingyan » et occupa le poste de Directeur de la Bibliothèque impériale. Sa calligraphie lui valut d’être compté parmi les « Quatre Grands Calligraphes des Débuts des Tang » aux côtés d’Ouyang Xun, de Chu Suiliang et de Xue Ji. Dans le domaine poétique, il perpétua la tradition de Xu Ling et initia un style courtois raffiné, équilibré et harmonieux. Il compila également les Extraits des Livres du Hall Nord(Beitang Shuchao), établissant un nouveau genre de littérature encyclopédique.