Chant des Six Préfectures : Temple du Roi Yue de Liu Guo

liu zhou ge tou · ti yue e wang miao
Généraux de la restauration,
Qui fut le héros de dix mille hommes ?

Son corps dans les herbes sauvages,
Mort mais le souffle gonflé de colère,
Il semble toujours vivant.

Jeune, il surgit des plaines du nord,
Tirant l’arc de deux pierres, brandissant l’épée de trois pieds,
Pacifiant Xiang et Han, libérant Guo et Luo, nettoyant Dongting.

Regardant vers la capitale du nord,
Le lièvre rusé survit, tandis que le bon chien fut cuisiné.

Passant les anciennes casernes,
Jing et E gardent encore leur peuple en deuil,
Se souvenant du vieux général,
Les larmes coulent comme une rivière.

Parlons de ces années —
Savez-vous l’amertume de sa haine ?

"N’avoir pas obéi à l’édit" — Était-ce faux ? Était-ce vrai ?
"Le sujet est coupable, le sage empereur peut juger
Cette unique loyauté dans mon cœur."

Depuis l’aube des temps, les fiefs et honneurs,
Jamais ne revinrent aux vieux traîtres.

La nuit du monde s’achève,
Le soleil blanc illumine soudain,

Vêtu de robes rituelles, couronne de jade,
Il s’incline cent fois —
Même sous les neuf sources, il est ému par la grâce impériale.

Regardez chaque mars,
Les fleurs sauvages couvrent la terre,
Les processions accueillent son esprit.

Poème chinois

「六州歌头 · 题岳鄂王庙」
中兴诸将,谁是万人英?
身草莽,人虽死,气填膺,尚如生。
年少起河朔,弓两石,剑三尺,
定襄汉,开虢洛,洗洞庭。
北望帝京,狡兔依然在,良犬先烹。
过旧时营垒,荆鄂有遗民。
忆故将军,泪如倾。

说当年事,知恨苦:不奉诏,伪耶真?
臣有罪,陛下圣,可鉴临,一片心。
万古分茅土,终不到,旧奸臣。
人世夜,白日照,忽开明。
衮佩冕圭百拜,九泉下、荣感君恩。
看年年三月,满地野花春,卤簿迎神。

刘过

Explication du poème

Liu Guo, poète patriotique de la période médiane des Song du Sud, était un admirateur fervent de Yue Fei, héros national exécuté injustement sous l'accusation de trahison avant d'être réhabilité sous l'empereur Xiaozong. Ce ci, composé sous le règne de l'empereur Ningzong lors d'une visite au temple dédié à Yue Fei, exprime à la fois une profonde vénération pour le général martyr, une condamnation véhémente des ministres capitulards, et l'espoir d'un renouveau de la faction belliciste à la cour.

Première strophe : « 中兴诸将,谁是万人英?身草莽,人虽死,气填膺,尚如生。年少起河朔,弓两石,剑三尺,定襄汉,开虢洛,洗洞庭。北望帝京,狡兔依然在,良犬先烹。过旧时营垒,荆鄂有遗民。忆故将军,泪如倾。 »
Zhōng xīng zhū jiàng, shuí shì wàn rén yīng? Shēn cǎo mǎng, rén suī sǐ, qì tián yīng, shàng rú shēng. Nián shào qǐ hé shuò, gōng liǎng shí, jiàn sān chǐ, dìng xiāng hàn, kāi guó luò, xǐ dòng tíng. Běi wàng dì jīng, jiǎo tù yī rán zài, liáng quǎn xiān pēng. Guò jiù shí yíng lěi, jīng è yǒu yí mín. Yì gù jiāng jūn, lèi rú qīng.

"Parmi les généraux du redressement,
Qui fut le héros sans égal ?
Gisant dans les herbes folles,
Mort mais le cœur encore gonflé de colère,
Son souffle vit toujours.
Jeune, il leva des troupes au nord du fleuve,
Tirant l'arc de deux pierres,
Brandissant l'épée de trois pieds,
Pacifiant Xiang et Han,
Reconquérant Guo et Luo,
Purgeant le lac Dongting.
Regardant vers la capitale du nord,
Les lièvres rusés courent encore,
Le bon chien fut bouilli le premier.
Passant par ses anciens camps,
Jing et E gardent son peuple.
Se souvenant du vieux général,
Les larmes coulent à flots."

Cette strophe condense en quelques traits puissants la carrière militaire de Yue Fei. "Héros sans égal" l'élève au-dessus de ses pairs. "Mort mais le cœur encore gonflé de colère" traduit l'immortalité de son esprit patriotique. La série de verbes d'action ("pacifiant", "reconquérant", "purgeant") restitue l'énergie conquérante du général. "Lièvres rusés" (les traîtres) et "bon chien bouilli" (le héros sacrifié) forment une antithèse poignante. La scène des pleurs des habitants des anciennes zones de combat achève de peindre un héros toujours vivant dans la mémoire populaire.

Seconde strophe : « 说当年事,知恨苦:不奉诏,伪耶真?臣有罪,陛下圣,可鉴临,一片心。万古分茅土,终不到,旧奸臣。人世夜,白日照,忽开明。衮佩冕圭百拜,九泉下、荣感君恩。看年年三月,满地野花春,卤簿迎神。 »
Shuō dāng nián shì, zhī hèn kǔ: Bù fèng zhào, wèi yē zhēn? Chén yǒu zuì, bì xià shèng, kě jiàn lín, yī piàn xīn. Wàn gǔ fēn máo tǔ, zhōng bù dào, jiù jiān chén. Rén shì yè, bái rì zhào, hū kāi míng. Gǔn pèi miǎn guī bǎi bài, jiǔ quán xià, róng gǎn jūn ēn. Kàn nián nián sān yuè, mǎn dì yě huā chūn, lǔ bù yíng shén.

"Évoquant ces années amères,
Qui ignore l'amertume de sa haine ?
"N'avoir pas obéi à l'édit" -
Était-ce vrai ou faux ?
"Le sujet est coupable" -
Que Votre Majesté éclairée
Juge mon cœur unique.
Depuis l'antiquité,
Les fiefs et honneurs
N'échurent jamais aux traîtres.
Nuit sur le monde,
Puis le soleil brille -
Soudain la clarté.
Vêtu de sacres habits,
Cent prosternations -
Sous les neuf sources,
Il reçoit avec gratitude la grâce impériale.
Voyez chaque mars,
Les fleurs sauvages couvrant la terre,
Comme une procession accueillant le dieu."

La strophe déploie une argumentation serrée pour la réhabilitation de Yue Fei. "Était-ce vrai ou faux ?" démonte rhétoriquement l'accusation. "Que Votre Majesté éclairée juge mon cœur" est un appel pathétique à la postérité. La métaphore "nuit"/"soleil" symbolise la réhabilitation. La scène de l'empereur en tenue sacrificielle rendant hommage contraste avec l'exécution passée, marquant la victoire posthume de la justice. La conclusion printanière évoque la pérennité du culte populaire.

Lecture globale

Ce ci monumental, structuré comme une oraison funèbre en deux mouvements, combine éloge historique, réquisitoire politique et méditation philosophique. La première strophe, centrée sur les exploits militaires, culmine dans l'image des pleurs des survivants. La seconde, procédant comme un plaidoyer juridique, aboutit à la cérémonie de réhabilitation. L'œuvre entière vibre d'une tension entre douleur et espérance, entre mémoire du sacrifice et célébration de la justice tardive.

Spécificités stylistiques

  • Architecture symétrique
    La strophe 1 (vie/héroïsme) et la strophe 2 (mort/réhabilitation) forment un diptyque parfaitement équilibré.
  • Rhétorique judiciaire
    La seconde strophe utilise des interrogations rhétoriques et des appels à la raison comme dans un procès en révision.
  • Symbolisme solaire
    La lumière (jour/soleil/fleurs) contre les ténèbres (nuit/trahison) structure la progression morale.
  • Résonance populaire
    Les scènes de deuil et de commémoration collective ancrent le héros dans la mémoire vivante.

Éclairages

Plus qu'un hommage à Yue Fei, ce poème érige un monument littéraire à la résilience de la vérité historique face aux manipulations politiques. Son actualité réside dans sa dénonciation intemporelle des mécanismes du pouvoir corrompu ("les lièvres rusés") sacrifiant les serviteurs intègres ("le bon chien"). La conclusion printanière offre une leçon d'espérance : aucune injustice n'est éternelle devant le tribunal de l'Histoire. Pour notre époque confrontée aux révisionnismes et aux fake news, ce texte rappelle que les peuples, comme les fleurs sauvages renaissant chaque printemps, finissent toujours par honorer leurs véritables héros.

À propos du poète

Liu Guo

Liu Guo (刘过 1154 - 1206) , originaire de Taihe dans le Jiangxi, fut un poète ci de l'École Héroïque et Délibérée (haofang pai) sous la dynastie Song du Sud. Bien que demeuré roturier sa vie durant, errant entre fleuves et lacs, il fréquenta des géants littéraires comme Lu You et Xin Qiji. Ses ci débordent de passion héroïque, tandis que sa poésie affiche vigueur et force. Stylistiquement proche de Xin Qiji mais encore plus audacieux, Liu Guo devint une figure centrale parmi les disciples poétiques de Xin.

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