Un Jour Printanier de Cheng Hao

chun ri ou cheng
Une coupe de vin, une chanson nouvelle,
Le pavillon est le même et aussi beau le temps.
Quand reviendras-tu voir le soleil au couchant?
Je soupire en vain sur la tombée des fleurs belles;
Les hirondelles semblent de vieilles connaissances.
J'erre dans mon jardin saturé de fragrance.

Poème chinois

「春日偶成」
云淡风轻近午天,傍花随柳过前川。
时人不识余心乐,将谓偷闲学少年。

程颢

Explication du poème

Ce poème fut composé lors d'une excursion printanière par Cheng Hao, éminent néoconfucéen alors au sommet de sa maturité philosophique. Contrairement à l'austérité attendue d'un penseur rigoriste, ces vers révèlent un homme sensible aux plaisirs simples, capable de s'émerveiller devant la nature. Ce rare exemple de lyrisme spontané dans la poésie philosophique chinoise unit profondeur métaphysique et joie terrestre.

Premier distique : « 云淡风轻近午天,傍花随柳过前川。 »
Yún dàn fēng qīng jìn wǔ tiān, bàng huā suí liǔ guò qián chuān.
Nuages légers, brise tendre approchant de midi,
Flânant parmi fleurs et saules, je franchis le ruisseau.

Le poète capte l'essence d'un instant printanier par une économie de moyens remarquable. Les binômes "nuages légers/brise tendre" (云淡风轻) créent une sensation d'apesanteur, tandis que les verbes "flânant/franchir" (傍/过) suggèrent une marche méditative où le corps et l'esprit s'abandonnent au rythme de la nature. La scène, apparemment simple, devient une allégorie de l'harmonie cosmique chère aux néoconfucéens.

Second distique : « 时人不识余心乐,将谓偷闲学少年。 »
Shí rén bù shí yú xīn lè, jiāng wèi tōu xián xué shào nián.
Le monde ne comprend pas ma joie intérieure,
Y voyant l'oisiveté factice d'un jeune homme.

Ce distique opère une subtile torsion philosophique. La "joie intérieure" (心乐) dont parle Cheng Hao n'est pas un simple plaisir esthétique, mais la manifestation sensible de l'unité entre l'humain et le principe cosmique (理 li). L'ironie réside dans l'incompréhension des "hommes du temps" (时人) qui réduisent cette expérience métaphysique à une frivolité juvénile. Par ce contraste, Cheng Hao affirme la supériorité de la sagesse qui sait trouver le sublime dans l'ordinaire.

Lecture globale

Bien que bref, ce poème en quatre vers recèle une profondeur remarquable et une atmosphère subtile. En apparence, il s'agit d'une simple évocation printanière et d'une promenade champêtre, mais il révèle en réalité les réflexions philosophiques et les aspirations personnelles du poète. Les deux premiers vers dépeignent un printemps radieux et un environnement paisible où le poète se déplace avec la sérénité d'une figure picturale ; les deux derniers expriment sa joie intérieure face à l'incompréhension du monde. Sans chercher à se justifier, le poète répond d'un sourire serein et d'une ironie légère aux regards extérieurs. Cette écriture, où la profondeur se cache sous une apparente simplicité, confère au poème une fluidité naturelle tout en y insufflant une lumière philosophique.

Spécificités stylistiques

Ce poème fusionne harmonieusement paysage et émotion dans un langage simple et naturel, exempt d'artifices mais riche en résonances. D'un trait dépouillé, il esquisse la beauté printanière tout en y intégrant subtilement les réflexions et l'état d'âme de l'auteur. Des expressions comme « errer parmi fleurs et saules » ou « voler un moment de loisir à l'imitation de la jeunesse » sont empreintes de dynamisme et de délicatesse, conférant à l'ensemble un ton à la fois libre et retenu, familier et transcendant. Ce qui s'en dégage n'est pas l'étourderie juvénile, mais un retour à l'authenticité après mûre réflexion, une libération naturelle de l'âme intérieure.

Éclairages

Ce poème nous enseigne que le vrai bonheur ne réside pas dans le jugement d'autrui, mais dans la satisfaction et la liberté intérieures. Dans une vie moderne rapide et utilitariste, savoir se retrouver dans la nature et retrouver son essence dans les moments de quiétude pourrait bien être une forme de sagesse et de dépassement. Bien que maître du néoconfucianisme, Cheng Hao redevient, le temps d'un printemps, pleinement lui-même - cette sérénité à « voler un moment de loisir » incarne précisément une noble qualité de caractère.

Traducteur de poésie

Xu Yuanchong(许渊冲)

À propos du poète

Cheng Hao (程颢, 1032 - 1085), originaire de Luoyang dans le Henan, était un philosophe et éducateur de la dynastie des Song du Nord. Reçu docteur en 1057, il fonda avec son frère Cheng Yi l'« École de Luoyang », connue sous le nom des « Deux Cheng », et devint l'un des fondateurs du néoconfucianisme. Bien qu'affirmant que « composer des poèmes nuit à la Voie », ses propres œuvres poétiques marient harmonieusement raison et sentiment, au point que Zhu Xi les considéra comme l'archétype de la « poésie néoconfucéenne ».

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