La neige nocturne flotte encore sur le pic Tianmu,
Un matin clair réchauffe d’abord le palais Taiqing.
Les nuages tournoyants parent le paon doré de jade bleu,
Le soleil perce les canards mandarins, les tuiles de jade rougissent.
Les officiers brûlent de l’encens sous les saules officiels,
Un corbeau solitaire se perche à l’est du toit.
Levant les yeux vers les neuf saints en robes de dragons brodés,
Mille ans, dix mille automnes face au vaste ciel.
Poème chinois
「早谒景灵宫」
杨万里
夜雪犹飘天目峰,晓晴先暖太清宫。
云翻孔雀金花碧,日射鸳鸯玉瓦红。
百辟焚香官柳影,一鸦飞立殿檐东。
仰瞻九圣联龙衮,万岁千秋对昊穹。
Explication du poème
Ce poème fut composé par Yang Wanli alors qu'il servait à la cour des Song du Sud. Le palais Jingling, situé à Lin'an (actuel Hangzhou), était un lieu de culte impérial dédié aux anciens souverains et ancêtres, incarnant l'importance des rites dynastiques sous les Song du Sud. Bien que la situation politique soit troublée, la cour maintient avec solennité les cérémonies sacrificielles. À travers une description à la fois fraîche et majestueuse de sa visite matinale au palais, le poète exprime non seulement son admiration pour Jingling, mais aussi ses vœux de stabilité pour l'État et la maison impériale.
Premier distique : « 夜雪犹飘天目峰,晓晴先暖太清宫。 »
Yè xuě yóu piāo Tiānmù fēng, xiǎo qíng xiān nuǎn Tàiqīng gōng.
"La neige nocturne flotte encore sur le pic Tianmu,
Mais l'aube claire réchauffe d'abord le palais Taiqing."
Ce distique d'ouverture oppose la neige nocturne à la clarté matinale, créant une atmosphère hivernale particulière : d'un côté la neige persistante sur les montagnes lointaines, de l'autre la chaleur solaire touchant d'abord le palais impérial. La juxtaposition du pic Tianmu et du palais Taiqing situe géographiquement Lin'an tout en suggérant symboliquement que "la demeure impériale, noble, reçoit en premier la faveur céleste".
Second distique : « 云翻孔雀金花碧,日射鸳鸯玉瓦红。 »
Yún fān kǒngquè jīn huā bì, rì shè yuānyāng yù wǎ hóng.
"Les nuages déploient l'éclat doré et jade des plumes de paon,
Le soleil irradie de rouge les tuiles de jade en forme de mandarins."
Une description chromatique somptueuse de la splendeur architecturale. Les références aux plumes de paon, fleurs dorées et tuiles de jade en forme de mandarins évoquent des ornements précieux, reflétant la magnificence du palais. Le mouvement des nuages et l'irradiation solaire créent une scène à la fois dynamique et éblouissante.
Troisième distique : « 百辟焚香官柳影,一鸦飞立殿檐东。 »
Bǎi bì fén xiāng guān liǔ yǐng, yī yā fēi lì diàn yán dōng.
"Les officiers brûlent de l'encens sous l'ombre des saules du palais,
Une corneille volante se perche à l'est du toit de la salle."
Ce distique oppose le cérémonial solennel à un détail prosaïque : d'un côté les officiers en rite sacré dans la fumée d'encens, de l'autre une corneille perchée sur l'avant-toit. L'ombre des saules baignée de fumée et la corneille solitaire ajoutent une touche de réalisme et de vivacité à la solennité.
Quatrième distique : « 仰瞻九圣联龙衮,万岁千秋对昊穹。 »
Yǎng zhān jiǔ shèng lián lóng gǔn, wàn suì qiān qiū duì hào qióng.
"Levant les yeux vers les Neuf Sages en robes dragon,
Mille automnes et dix mille ans face à la voûte céleste !"
La conclusion exprime directement l'intention sacrificielle : les officiers contemplent les ancêtres impériaux et jurent fidélité à la dynastie. "Neuf Sages en robes dragon" symbolise la majesté des anciens souverains ; "mille automnes et dix mille ans" formule les vœux de longévité ; "face à la voûte céleste" invoque le ciel et la terre comme témoins, portant l'émotion à son apogée solennelle.
Lecture globale
Ce poème en vers réguliers dépeint la solennité d'une visite matinale au palais ancestral. Les deux premiers distiques opposent éléments naturels et splendeur architecturale : la neige froide et solennelle du pic Tianmu contraste avec la chaleur et la magnificence du palais Taiqing baigné de lumière. Des montagnes au palais, de la nature aux affaires humaines, la progression est graduelle. Le troisième distique passe de la scène grandiose aux détails : la solennité des officiers brûlant de l'encens et la corneille se perchant accidentellement coexistent, rendant l'image vivante et réaliste. Le distique final révèle le thème, exprimant directement le rite de vénération des ancêtres et les vœux pour la maison impériale.
L'ensemble intègre avec habileté paysage naturel, magnificence architecturale et atmosphère sacrificielle, alliant beaut visuelle majestueuse et solennité rituelle, démontrant l'acuité du poète pour la beauté naturelle et sa maîtrise des scènes courtisanes.
Spécificités stylistiques
- Contrastes et juxtapositions
Neige nocturne vs clarté matinale, pic Tianmu vs palais Taiqing, encens vs corneille - les contrastes créent une tension visuelle. - Palette chromatique somptueuse
"Éclat doré et jade des plumes de paon", "tuiles de jade rougeoyantes" - des couleurs luxueuses soulignent noblesse et solennité. - Interaction mouvement-repos
Nuages qui se déploient, soleil qui irradie, fumée qui ondule, corneille qui se perche - le mouvement anime la quiétude. - Structure architecturée
Du lointain au proche, de la nature aux rites, de la description à l'expression - une progression circulaire et graduelle.
Éclairages
Ce poème ne décrit pas seulement une scène majestueuse de visite palatiale, mais illustre aussi la manière unique dont les lettrés intégraient poésie, état et rites. Il nous rappelle que la poésie transcende l'expression personnelle pour devenir vecteur de culture historique ; dans la fusion du paysage et de l'émotion peuvent résider identité nationale et mémoire culturelle. Par ce poème, Yang Wanli combine son observation sensitive personnelle et les scènes rituelles de la cour, créant une fresque à la fois grandiose et vivante qui permet aux générations futures de percevoir l'atmosphère de la cour des Song du Sud.
À propos du poète
Yang Wanli (杨万里 1127 - 1206), originaire de Jishui dans le Jiangxi, fut un célèbre poète de la dynastie Song du Sud, considéré comme l'un des « Quatre Grands Maîtres de la Restauration » aux côtés de Lu You, Fan Chengda et You Mao. Il obtint le titre de jinshi en 1154 et accéda au poste d'Académicien du Pavillon Baomo. Se libérant des contraintes de l'École poétique du Jiangxi, il créa le style naturel et vivant du « Chengzhai », prônant l'apprentissage de la nature et l'utilisation d'un langage simple mais profond. Sa poésie, souvent inspirée par la vie quotidienne, influença profondément les écoles lyriques ultérieures, en particulier l'école Xingling (Esprit et Sensibilité).