Les cordes foisonnantes jouent « Les Eaux limpides »,
Les longues manches se déploient en phénix en vol.
Les deux danseurs, synchrones au rythme,
Semblent se refléter dans un miroir.
Poème chinois
「咏舞」
虞世南
繁弦奏渌水,长袖转回鸾。
一双俱应节,还似镜中看。
Explication du poème
"Chant de danse à la cour" (宫廷乐舞) est un poème de Yu Shinan (558-638), important ministre et lettré de l'empereur Taizong des Tang, souvent présent aux banquets et aux assemblées raffinées de la cour. À cette époque, la musique et la danse de cour étaient florissantes, les pièces Lushui (渌水, Eaux limpides) et Huíluan (回鸾, Phénix tournoyant) étant particulièrement populaires, offrant des spectacles somptueux. Yu Shinan compose ce poème de circonstance, dépeignant une performance de musique et de danse. En des traits simples et concis, il capture l'harmonie entre danseuses et musique, la synchronisation des mouvements, révélant la beauté harmonieuse de l'art de cour au début des Tang.
Premier distique : « 繁弦奏渌水,长袖转回鸾。 »
Fán xián zòu Lù shuǐ, cháng xiù zhuǎn Huí luán.
"Les cordes foisonnantes jouent 'Eaux limpides' ;
Les longues manches virevoltent en 'Phénix tournoyant'."
"cordes foisonnantes" (繁弦) évoque la multiplicité des parties musicales et la complexité du rythme, créant une atmosphère intense et captivante, reflétant directement la grandeur du spectacle. Lushui (渌水) était une célèbre pièce de l'époque, au rythme à la fois clair et sinueux. Les "longues manches" (长袖) des danseuses, mues par le tempo, ondoient avec grâce, évoquant l'image du phénix tournoyant dans la danse Huíluan (回鸾). Ce distique entrelace l'auditif et le visuel, frappant d'abord par le son, pour créer une atmosphère de spectacle fastueuse et vibrante.
Second distique : « 一双俱应节,还似镜中看。 »
Yī shuāng jù yìng jié, hái sì jìng zhōng kàn.
"Les deux ensemble suivent le tempo ;
On dirait, à les voir, un miroir reflétant."
Ici, est soulignée l'unisson et la complicité de la "danse à deux" (双舞). "suivent le tempo" (应节) montre que leurs mouvements épousent parfaitement la musique, sans la moindre hésitation. "comme un miroir reflétant" (还似镜中看) est une métaphore ingénieuse, figurant l'alignement parfait de leurs postures, tel un effet de miroir, mettant en valeur tant l'harmonie esthétique de la danse que la virtuosité et la complicité profonde des interprètes. Le lecteur imagine presque une image symétrique et harmonieuse.
Appréciation globale
En seulement vingt caractères, ce poème esquisse la scène fastueuse de la musique et de la danse à la cour. Les deux premiers vers dépeignent la musique et les mouvements de danse, combinant la complexité sonore et la grâce gestuelle ; les deux derniers vers décrivent la synchronisation et la symétrie des danseuses, portant la subtilité et l'harmonie de la danse à son apogée. Yu Shinan n'use pas d'un langage fastueux, mais avec des métaphores concises, il capture le sens du rythme et la beauté de l'art. L'atmosphère poétique allie puissance et finesse, incarnant pleinement la splendeur et l'élégance de la culture de cour au début des Tang.
Caractéristiques stylistiques
- Union du son et de l'image
"cordes foisonnantes" et "longues manches" fusionnent musique et danse, offrant une jouissance à la fois auditive et visuelle. - Usage habile de pièces célèbres
La mention des danses Lushui et Huíluan enrichit l'épaisseur culturelle de l'œuvre et son sens de l'immersion. - Métaphore évocatrice
"comme un miroir reflétant" utilise le reflet pour figurer l'alignement des postures de danse, d'une grande force visuelle et esthétique. - Concision et subtilité
Seulement vingt caractères, mais condensant musique, danse, rythme, symétrie et autres images multiples, le langage est extrêmement concentré.
Éclairages
Ce poème révèle la beauté harmonieuse et ordonnée de l'art. Musique et danse ne sont pas qu'un spectacle, mais l'incarnation d'un rythme et d'un ordre. Le poète, à travers les mouvements synchronisés des danseuses, suggère que la beauté dans le monde humain émerge souvent de l'harmonie, de l'unité et de la complicité. Il nous inspire à accorder une attention au rythme et à la coordination dans la vie et les relations, à poursuivre une harmonie et un équilibre d'ensemble, afin de révéler une beauté de niveau supérieur.
À propos du poète
Yu Shinan (虞世南 558 - 638), originaire de Yuyao dans la province du Zhejiang, fut un éminent homme d’État, écrivain, calligraphe et politicien durant l’ère Zhenguan des débuts de la dynastie Tang. Il figurait parmi les « Vingt-Quatre Officiers Méritants du Pavillon Lingyan » et occupa le poste de Directeur de la Bibliothèque impériale. Sa calligraphie lui valut d’être compté parmi les « Quatre Grands Calligraphes des Débuts des Tang » aux côtés d’Ouyang Xun, de Chu Suiliang et de Xue Ji. Dans le domaine poétique, il perpétua la tradition de Xu Ling et initia un style courtois raffiné, équilibré et harmonieux. Il compila également les Extraits des Livres du Hall Nord(Beitang Shuchao), établissant un nouveau genre de littérature encyclopédique.