Chant du Dragon Chanceux : Paysage printanier à Dashi​ de Zhou Bangyan

rui long yin · da shi chun jing
Sur la route de Zhangtai,
Je revois les pruniers perdre leur poudre aux branches,
Les pêchers essayer leurs premières fleurs.
Les maisons du quartier restent silencieuses,
Les hirondelles fixent leur nid,
Revenant aux anciens lieux.

Je m’attarde, sombre,
Pensant à cette jeune fille naïve,
Qui regardait timidement derrière sa porte.
À l’aube, elle ajustait son fard doré,
Protégeant son visage avec sa manche,
Riant avec grâce.

Maintenant que Liu Lang est de retour,
Il cherche ses voisins d’autrefois,
Ceux qui dansaient et chantaient avec lui.
Seule l’ancienne Qiuniang,
A gardé sa réputation intacte.
Je me souviens encore des vers de Yantai,
Écrits sur ces feuilles de poésie.

Mais qui l’accompagne maintenant
Pour boire sous la rosée dans les jardins,
Ou flâner près des murs est de la ville ?
Tout cela s’est envolé avec les oies sauvages.
Chercher le printemps ne rapporte
Que des sentiments de séparation.

Les saules officiels inclinent leurs branches dorées,
Les cavaliers rentrent tard,
Tandis qu’une pluie fine vole sur l’étang.
Dans la cour qui me brise le cœur,
Un rideau de duvet s’agite au vent.

Poème chinois

「瑞龙吟 · 大石春景」
章台路,还见褪粉梅梢,试花桃树。
愔愔坊陌人家,定巢燕子,归来旧处。

黯凝伫,因念个人痴小,乍窥门户。
侵晨浅约宫黄,障风映袖,盈盈笑语。

前度刘郎重到,访邻寻里,同时歌舞。
惟有旧家秋娘,声价如故。吟笺赋笔,犹记《燕台》句。
知谁伴、名园露饮,东城闲步?
事与孤鸿去。探春尽是,伤离意绪。
官柳低金缕。归骑晚、纤纤池塘飞雨。
断肠院落,一帘风絮。

周邦彦

Explication du poème

Ce ci fut composé en 1097 (4e année Shaosheng sous l'empereur Zhezong des Song), alors que Zhou Bangyan, après dix ans d'exil, revenait à la capitale pour occuper le poste de Directeur de l'Académie Impériale. Lors d'une visite nostalgique aux alentours du pont Dashí et du quartier Zhangtai, il constata que si les paysages demeuraient reconnaissables, les visages familiers avaient disparu. Les femmes qu'il admirait jadis avaient vieilli ou s'étaient évanouies, les festivités d'autrefois laissant place à un printemps silencieux. Sous des vers d'une grâce enveloppante se cache une profonde mélancolie temporelle et un sentiment de perte, exprimant à la fois la tristesse face aux splendeurs disparues et la résignation devant la fuite inexorable de la vie.

Première strophe : « 章台路,还见褪粉梅梢,试花桃树。愔愔坊陌人家,定巢燕子,归来旧处。 »
Zhāng tái lù, hái jiàn tuì fěn méi shāo, shì huā táo shù. Yīn yīn fāng mò rén jiā, dìng cháo yàn zi, guī lái jiù chù.

"Sur la route de Zhangtai,
Je revois les pruniers aux fleurs défraîchies
Et les pêchers aux premiers bourgeons.
Dans les ruelles silencieuses,
Les hirondelles reviennent
À leurs anciens nids."

Cette strophe, centrée sur la route Zhangtai, entrelace souvenirs humains et paysages printaniers. Les pruniers aux fleurs fanées symbolisent l'écoulement du temps, tandis que les bourgeons de pêcher incarnent le renouveau saisonnier. Le retour des hirondelles à leurs nids anciens crée un contraste poignant avec l'impossibilité humaine de véritablement revenir en arrière - si les lieux demeurent, les êtres chers ont disparu. Derrière la beauté printanière se cache une mélancolie subtile mais profonde.

Deuxième strophe : « 黯凝伫,因念个人痴小,乍窥门户。侵晨浅约宫黄,障风映袖,盈盈笑语。 »
Àn níng zhù, yīn niàn gè rén chī xiǎo, zhà kuī mén hù. Qīn chén qiǎn yuē gōng huáng, zhàng fēng yìng xiù, yíng yíng xiào yǔ.

"Je m'immobilise, sombre,
Me souvenant de cette jeune femme naïve
Guettant à travers l'entrebâillement.
À l'aube, son fard léger,
Sa manche barrant le vent,
Son rire cristallin."

Cette strophe déploie un souvenir tendre et détaillé de la première rencontre. La jeune femme, timide et curieuse, jetant un regard furtif à travers la porte entrouverte, devient un instant figé dans la mémoire. Le "fard léger" (宫黄) évoque la pudeur des jeunes filles, tandis que la manche barrant le vent et le rire cristallin composent un portrait d'une grâce juvénile et évanescente. Ces images, presque oniriques, soulignent que ces moments ne peuvent désormais être revécus que par le souvenir.

Troisième strophe : « 前度刘郎重到,访邻寻里,同时歌舞。惟有旧家秋娘,声价如故。吟笺赋笔,犹记《燕台》句。知谁伴、名园露饮,东城闲步?事与孤鸿去。探春尽是,伤离意绪。官柳低金缕。归骑晚、纤纤池塘飞雨。断肠院落,一帘风絮。 »
Qián dù liú láng chóng dào, fǎng lín xún lǐ, tóng shí gē wǔ. Wéi yǒu jiù jiā qiū niáng, shēng jià rú gù. Yín jiān fù bǐ, yóu jì "yàn tái" jù. Zhī shuí bàn, míng yuán lù yǐn, dōng chéng xián bù? Shì yǔ gū hóng qù. Tàn chūn jìn shì, shāng lí yì xù. Guān liǔ dī jīn lǚ. Guī qí wǎn, xiān xiān chí táng fēi yǔ. Duàn cháng yuàn luò, yī lián fēng xù.

"Tel Liu Lang revenant,
Je cherche voisins et compagnons,
Ceux des chants et danses d'antan.
Seule l'ancienne Qiuniang
Garde son prestige intact.
Mes pinceaux se souviennent
Des vers de "Yantai".
Avec qui boit-elle maintenant dans les jardins,
Flâne-t-elle à l'est de la ville ?
Tout s'est envolé avec l'oie solitaire.
Chercher le printemps ne fait qu'éveiller
La douleur de la séparation.
Les saules officiels inclinent leurs branches dorées.
Je rentre tard, tandis qu'une fine pluie
Danse sur l'étang.
Dans la cour déchirante,
Un rideau de duvet au vent."

La référence à "Liu Lang revenant" (刘郎重到) assimile le poète à Liu Yuxi, symbole du retour après l'exil. Mais la réalité est cruelle : seules quelques traces des splendeurs passées subsistent, comme la chanteuse Qiuniang dont la réputation perdure. La mention des "vers de Yantai" évoque une époque de création littéraire partagée, tandis que les questions "avec qui boit-elle maintenant" et "flâne-t-elle" traduisent une jalousie rétrospective et une profonde solitude. Les images finales - saules pleureurs, pluie fine sur l'étang, duvet voltigeant - deviennent les symboles d'une mélancolie irrémédiable, où chaque élément naturel semble participer à la tristesse du poète.

Lecture globale

Ce ci déploie une cartographie nostalgique à partir de l'ancienne route Zhangtai, progressant à travers sa structure tripartite pour tisser une tapisserie lyrique où temps et espace s'entrelacent. La première séquence oppose les pruniers défleuris aux pêchers en bourgeons, métaphore végétale de la rotation des saisons et des métamorphoses humaines. Le détail des hirondelles retrouvant leurs nids, particulièrement saisissant, établit un contrepoint poignant entre la régularité migratoire des oiseaux et l'errance existentielle du poète. La séquence médiane zoome sur le portrait de "la jeune ingénue", où le regard furtif ("l'entrebâillement") et les rires cristallins cristallisent en une image éternelle un instant fugace, rivalisant avec le fameux "maquillage terminé, elle murmure à son époux" des Tang. La dernière partie élève l'expérience personnelle au rang de mémoire culturelle par l'allusion à "Liu Lang revenant", faisant de Qiuniang l'unique repère historique survivant, tandis que les vers de Yantai deviennent des codes affectifs transcendant le temps. La chute sur "un rideau de duvet au vent", par son minimalisme visuel, condense l'univers mental du poète - ces souvenirs impossibles à fixer et ces sentiments sans ancrage.

Spécificités stylistiques

  • Montage spatio-temporel : Comprime la durée dans les images végétales (fleurs fanées/bourgeons) et déploie la narration spatiale entre Zhangtai et les vingt-quatre ponts
  • Synesthésie sensorielle : Transforme les rires audibles en fard visuel ("宫黄"), créant un effet artistique de fusion sensorielle
  • Stratification historique : Articule la mémoire culturelle des courtisanes de l'ère Yuanbai (Tang) jusqu'aux Song par la figure de Qiuniang
  • Matérialisation affective : Incarne l'errance dans le "duvet", la soumission lettrée dans les "saules officiels"

Éclairages

Cette œuvre déploie trois dimensions herméneutiques contemporaines : D'abord, le contraste hirondelles/ Liu Lang erratique nous invite à repenser la perte des racines spirituelles modernes - quand les espèces migratrices conservent leur instinct, l'homme a perdu sa certitude du retour. Ensuite, la pérennité de la réputation de Qiuniang interroge les mécanismes de sélection mémorielle : pourquoi l'histoire ne conserve-t-elle que certains archétypes féminins ? Enfin, l'intertextualité des "vers composés" révèle que l'écriture littéraire est essentiellement un chiffrement des émotions en symboles culturels. Le pèlerinage de Zhou Bangyang à Zhangtai relève d'une archéologie mémorielle où, parmi les ruines, il reconnaît moins une romance perdue que l'ensemble de la tradition lyrique lettrée.

À propos du poète

Zhou Bangyan

Zhou Bangyan (周邦彦, 1056 - 1121), originaire de Qiantang (Hangzhou), fut le grand synthétiseur du lyrisme retenu des Song du Nord. Ses poèmes, d'une richesse ornementale et d'une perfection formelle, inventèrent des dizaines de nouveaux tons et mètres. Consacré "couronne des poètes lyriques", il influença profondément Jiang Kui et Wu Wenying, devenant le maître fondateur de l'école du mètre rigoureux.

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