Promenade Crépusculaire au Bord du Fleuve de Lü Benzhong

mu bu zhi jiang shang
Les affaires du voyageur ont depuis longtemps perdu contre la coupe des perroquets,
Le chagrin printanier s’étend comme une ombre sur la terrasse des phénix.

L’ombre des arbres ne gêne pas le passage des voiles,
Mais l’humidité de la pluie suit la marée montante.

Les montagnes, tels de vieux amis, pourraient trinquer avec moi,
Les fleurs, comme des regrets persistants, ne s’ouvriront plus.

Haies de neige, pavillons battus par le vent, des scènes d’année en année,
Je néglige ces paysages qui reviennent sans cesse.

Poème chinois

「暮步至江上」
客事久输鹦鹉杯,春愁如接凤凰台。
树阴不碍帆影过,雨气却随潮信来。
山似故人堪对饮,花如遗恨不重开。
雪篱风榭年年事,辜负风光取次回。

吕本中

Explication du poème

Ce poème fut composé par Lü Benzhong durant ses dernières années, alors qu'il résidait dans la région du Jiangnan. À cette époque, les guerres n'étaient pas encore apaisées, les affaires politiques étaient difficiles, et le poète, déçu dans sa carrière officielle, errait depuis longtemps loin de chez lui. Les Song du Sud, réfugiés au sud du fleuve, laissaient les lettrés empreints d'un sentiment d'errance et de désillusion. Se promenant un soir au bord du fleuve, le poète, ému par le paysage, exprime à la fois des regrets sur sa situation actuelle et une nostalgie des gloires passées et des anciens compagnonnages. Dans le poème, "la coupe perroquet" et "la terrasse des phénix" sont des images classiques : la première est souvent associée aux banquets et aux plaisirs raffinés, la seconde évoque généralement les hauts lieux où l'on contemple le passé. Leur juxtaposition suggère non seulement la perte des passions juvéniles, mais aussi une lamentation sur la fugacité du printemps et l'impermanence des affaires mondaines.

Premier couplet : « 客事久输鹦鹉杯,春愁如接凤凰台。 »
Kè shì jiǔ shū yīng wǔ bēi, chūn chóu rú jiē fèng huáng tái.

"Depuis longtemps, dans les affaires de ce monde, j'ai perdu la coupe perroquet,
Le chagrin printanier est comme d'atteindre la terrasse des phénix, toujours plus insurmontable."

Ce couplet s'ouvre sur le mot "perdu", exprimant sans détour un sentiment d'échec, transformant les vicissitudes de la vie en une défaite lors d'un banquet, image à la fois concrète et implicite. Puis, "la terrasse des phénix" compare le chagrin à quelque chose de vaste et insoluble, mêlant réel et imaginaire pour matérialiser une émotion abstraite.

Deuxième couplet : « 树阴不碍帆影过,雨气却随潮信来。 »
Shù yīn bú ài fān yǐng guò, yǔ qì què suí cháo xìn lái.

"L'ombre épaisse des arbres n'empêche pas les voiles de passer,
Mais l'humidité de la pluie arrive avec la marée montante."

C'est une scène dynamique au bord du fleuve. Le premier vers entrelace lumière et ombre, voiles et reflets, mouvant dans le calme ; le second, introduit par "mais", marque un tournant émotionnel - comme dans la vie, certains obstacles peuvent être évités, mais certaines ombres sont inéluctables.

Troisième couplet : « 山似故人堪对饮,花如遗恨不重开。 »
Shān sì gù rén kān duì yǐn, huā rú yí hèn bù chóng kāi.

"Les montagnes devant moi, tels de vieux amis, peuvent partager un toast,
Tandis que les fleurs, comme des regrets persistants, ne s'épanouiront plus."

Les montagnes, stables et durables, symbolisent une amitié fidèle ; les fleurs, éphémères dans leur éclat, représentent les occasions manquées et les souvenirs irrécupérables. Ce contraste souligne les regrets du poète face à l'écoulement du temps et la disparition des beautés passées.

Quatrième couplet : « 雪篱风榭年年事,辜负风光取次回。 »
Xuě lí fēng xiè nián nián shì, gū fù fēng guāng qǔ cì huí.

"Chaque année reviennent les haies sous la neige et les pavillons dans le vent,
Mais je les néglige souvent, rentrant à la hâte."

Le dernier couplet souligne la cyclicité des saisons avec "chaque année", mais crée une dissonance avec "rentrant à la hâte" - le poète, perturbé par les affaires mondaines, rate souvent ces paysages, avec un mélange de remords et de regrets, concluant le poème sur une note de douce désillusion.

Lecture globale

Ce poème prend pour cadre une promenade au bord du fleuve au crépuscule, entrelaçant paysages sous les yeux et émotions intimes. La première moitié exprime surtout des réflexions allant du poète vers le monde extérieur : désillusions de carrière, chagrins hauts comme des montagnes ; la seconde moitié passe du paysage aux sentiments, avec le fleuve, les fleurs des montagnes et les pavillons formant une image à multiples niveaux. Le poème utilise fréquemment des contrastes : franchissable et infranchissable (ombres d'arbres et humidité pluviale), durable et éphémère (montagnes et fleurs fanées), beauté annuelle et retours précipités. Ces oppositions enrichissent non seulement l'image, mais approfondissent aussi le thème - la vie possède une beauté constante, souvent perturbée et manquée à cause des troubles mondains.

Spécificités stylistiques

  • Fusion paysage-émotion, signification profonde : Le poète ne se contente pas de décrire des paysages, mais les utilise comme support pour ses sentiments, donnant une coloration émotionnelle à chaque image.
  • Maîtrise des contrastes : Montagnes contre fleurs, ombres d'arbres contre humidité pluviale, cyclicité annuelle contre retours précipités - ces oppositions renforcent les émotions de perte et de chérissement.
  • Ouverture par images classiques : L'utilisation de "la coupe perroquet" et "la terrasse des phénix" donne d'emblée une épaisseur culturelle au poème.
  • Rythme posé, ambiance durable : Chaque couplet forme une petite scène, les quatre ensemble constituant un tout cohérent, se lisant avec un rythme tranquille et une atmosphère profonde.

Éclairages

Cette œuvre nous enseigne que même si la vie offre des paysages immuables année après année, si notre esprit est enchaîné par les affaires terrestres, il est facile d'en manquer la beauté. Les vicissitudes de l'existence sont comme l'humidité pluviale sur le fleuve - certaines peuvent être contournées, d'autres doivent être endurées ; ce n'est qu'en prêtant attention, au milieu des troubles, à ces beautés durables "comme des montagnes-amis" que l'on peut éviter trop de regrets face à l'écoulement des ans. Avec des touches légères, le poète exprime mélancolie et introspection, nous faisant sentir la nécessité de chérir le présent et l'inéluctable impermanence de la vie.

À propos du poète

Lv Benzhong

Lü Benzhong (吕本中 1084 - 1145), originaire de Shouxian dans l'Anhui, fut un éminent poète et érudit néoconfucéen sous la dynastie Song du Sud. Théoricien clé de l'École poétique du Jiangxi, il formula le concept de « méthode vivante » (huofa), prônant des variations naturelles dans le cadre des règles poétiques établies. Auteur de plus de 1 270 poèmes conservés, sa Généalogie de l'École poétique du Jiangxi (Jiangxi Shishe Zongpai Tu) établit Huang Tingjian comme patriarche du mouvement, influençant profondément la théorie poétique des Song et servant de pont entre l'École Jiangxi et les Quatre Maîtres de la Renaissance Song.

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