L'aboiement du chien se mêle au murmure de l'eau ;
Les fleurs de pêcher se couvrent d'une fine pluie.
Au plus profond des bois, parfois paraît un cerf ;
Sur le ruisseau, en plein midi, nulle cloche ne sonne.
Les bambous sauvages percent la brume bleu-vert ;
Un torrent suspendu orne le pic d'émeraude.
Nul ne sait où s'est envolé l'ermite ;
Mélancolique, je m'appuie contre deux ou trois pins.
Poème chinois
「访戴天山道士不遇」
李白
犬吠水声中,桃花带雨浓。
树深时见鹿,溪午不闻钟。
野竹分青霭,飞泉挂碧峰。
无人知所去,愁倚两三松。
Explication du poème
Ce poème est une œuvre de jeunesse de Li Bai, composée vers l'âge de 18-19 ans alors qu'il étudiait en retraite au temple Daming du mont Daitian. Le titre indique clairement le thème — la « rencontre manquée » — mais la subtilité réside dans le fait que le poète ne se lamente pas directement sur sa déception. Il transforme plutôt une visite infructueuse en une excursion spirituelle au cœur de la nature, déployant, à travers une progression sensorielle, un cheminement émotionnel complet, de l'attente pleine d'espoir au regret mélancolique.
Premier couplet : « 犬吠水声中,桃花带雨浓。 »
Quǎn fèi shuǐshēng zhōng, táohuā dài yǔ nóng.
Des aboiements de chien se mêlent au murmure de l'eau ; Les fleurs de pêcher, humides de pluie, d'un éclat intense.
Le poème s'ouvre sur une impression auditive et visuelle, créant une première image de havre de paix. Les « aboiements de chien » suggèrent une présence humaine, éveillant l'espoir du poète ; le « murmure de l'eau » établit une atmosphère sereine et retirée. Les « fleurs de pêcher humides de pluie » sont à la fois une scène matinale réaliste et une évocation romantique d'un royaume taoïste idéal. Sons et couleurs se fondent ; bien que personne ne soit visible, la vie palpite déjà.
Deuxième couplet : « 树深时见鹿,溪午不闻钟。 »
Shù shēn shí jiàn lù, xī wǔ bù wén zhōng.
Dans le bois profond, parfois un cerf apparaît ; Midi au ruisseau, on n'entend pas la cloche.
Ce distique marque un tournant émotionnel. « Dans le bois profond, parfois un cerf apparaît » dépeint intensément la quiétude des montagnes ; la nature craintive du cerf, « parfois » visible, souligne la rareté des traces humaines. « Midi au ruisseau, on n'entend pas la cloche » est la première déception claire. Midi est l'heure habituelle de la cloche du temple taoïste ; son silence suggère le vide des lieux. Le poète n'exprime pas directement la « rencontre manquée », mais la communique avec retenue et force through le détail du « son absent ».
Troisième couplet : « 野竹分青霭,飞泉挂碧峰。 »
Yě zhú fēn qīng ǎi, fēi quán guà bì fēng.
Les bambous sauvages fendent la brume bleutée ; La cascade suspendue pare la cime d'émeraude.
Après la confirmation de l'absence, le regard du poète se tourne entièrement vers la nature. Ce couplet s'étale comme un rouleau de paysage majestueux. Le verbe « fendent » donne aux bambous sauvages une dynamique et une force, comme s'ils perçaient activement la brume ; « suspendue » fige le mouvement, transformant la cascade en une image éternelle. Ces vers dépeignent une scène à la fois magnifique et étrange, éloge indirect de l'environnement du maître taoïste et reflet de l'esprit large du poète et de son aspiration à un état transcendant.
Quatrième couplet : « 无人知所去,愁倚两三松。 »
Wú rén zhī suǒ qù, chóu yǐ liǎng sān sōng.
Nul ne sait où il est parti ; Triste, je m'appuie contre deux ou trois pins.
La conclusion revient à l'émotion, précisant le thème de la « rencontre manquée ». « Nul ne sait » exprime la désorientation et la déception post-visite. Le geste final, « Triste, je m'appuie », est très évocateur ; il matérialise la « tristesse » abstraite en une silhouette solitaire, appuyée et contemplative. La noblesse et l'éternité des pins contrastent avec la contingence et la mélancolie des rencontres humaines.
Lecture globale
L'originalité de ce poème réside dans le contrôle magistral de son rythme émotionnel. L'ensemble ressemble à une pièce en quatre actes : le premier couplet entre dans la montagne avec espoir, paysage clair et vivant ; le deuxième opère un revirement, la quiété profonde contrastant avec le silence de midi, première déception ; le troisième culmine, le poète abandonnant son attachement à la rencontre manquée pour contempler la magnificence de la nature, ouvrant son esprit ; le quatrième est une longue coda, « Nul ne sait » exprimant la perplexité, concluant sur l'image figée de « s'appuyer contre les pins », une mélancolie légère laissant un écho durable. Par la progression sensorielle — de l'ouïe (eau, chien) au « non-ouïe » (cloche), puis à la vue (cerf, bambous, cascade) —, le poète extériorise habilement les changements émotionnels intérieurs, de l'attente à la déception, puis du détachement au regret, atteignant une haute unité entre émotion et paysage.
Spécificités stylistiques
- Choix et combinaison minutieux des images : Aboiements, eau, fleurs de pêcher, cerf, cloche, bambous, brume, cascade, pics, pins — une série d'images créent un monde érémitique, loin du tumulte.
- Art suprême de la quiétude par le mouvement : Les sons (aboiements, eau, cascade) sont des éléments dynamiques qui accentuent la profondeur et le silence des montagnes.
- Touche de peintre et composition : Couleurs vives (fleurs rouges, bambous verts, brume bleutée, pics émeraude), composition en couches (premier plan fleurs/bambous, plan moyen cascade, arrière-plan pics).
- Conclusion subtile et profonde : Se terminer par le geste de « s'appuyer » sans lourdement décrire la tristesse, la laissant infuse, laissant une large place à la rêverie.
Éclairages
Ce poème révèle une philosophie de vie profonde : la signification de la quête réside parfois moins dans l'atteinte de l'objectif que dans l'enrichissement et l'élargissement de l'âme par le processus même de la recherche. Bien que Li Bai n'ait pas rencontré le maître taoïste, il s'est immergé corps et âme dans un paysage détaché du monde, qui s'est gravé à jamais dans sa vie. Cela nous enseigne que dans le voyage de la vie, face aux objectifs non atteints, il ne faut pas s'attacher à la déception du résultat, mais chérir et savourer les expériences vécues en chemin. Ces expériences deviennent souvent des richesses plus précieuses, façonnant notre vision et notre état d'esprit.
À propos du poète

Li Bai (李白), 701 - 762 apr. Li Bai a porté la poésie chinoise classique, en particulier la poésie romantique, à son apogée et a influencé des générations de lettrés exceptionnels dans le passé et le présent grâce à ses remarquables réalisations.