Ce coursier fameux vient de Dayuan ;
Ses os saillants dessinent des arêtes vives.
Ses deux oreilles droites, tranchantes comme bambou ;
Le vent semble emplir ses quatre sabots.
Rien ne lui paraît vaste sur sa route ;
On peut lui confier sa vie et sa mort.
Fier et véloce à ce point,
Il peut franchir dix mille lieues sans obstacle.
Poème chinois
「房兵曹胡马」
杜甫
胡马大宛名,锋棱瘦骨成。
竹批双耳峻,风入四蹄轻。
所向无空阔,真堪托死生。
骁腾有如此,万里可横行。
Explication du poème
Ce poème fut composé vers 740-741, alors que Du Fu, dans la force de l'âge, voyageait dans les régions de Qi et Zhao, menant une vie insouciante et élégante. À travers l'éloge suprême d'un coursier des contrées occidentales originaire de Ferghana (actuel Ouzbékistan/Tadjikistan), le poème déploie l'enthousiasme débordant et l'ambition héroïque du jeune Du Fu, désireux de se distinguer et de servir l'État. C'est un modèle de son style vigoureux et de ses aspirations romantiques de jeunesse.
Premier couplet : « 胡马大宛名,锋棱瘦骨成。 »
hú mǎ dà yuān míng, fēng léng shòu gǔ chéng.
Ce coursier des steppes, célèbre produit de Ferghana, a l'échine osseuse, anguleuse, comme taillée au tranchant.
Le début désigne l'origine noble et la morphologie unique du cheval. « Célèbre produit de Ferghana » évoque d'emblée l'exotisme et la légende. « Échine osseuse, anguleuse » est une découverte esthétique propre à Du Fu : rejetant l'idéal traditionnel de l'embonpoint, il utilise la « maigreur » pour montrer la vigueur, et l'« anguleux » pour décrire une ossature puissante. La morphologie du cheval révèle déjà un tempérament héroïque, rejetant le superflu, fort intérieurement.
Deuxième couplet : « 竹批双耳峻,风入四蹄轻。 »
zhú pī shuāng ěr jùn, fēng rù sì tí qīng.
Ses deux oreilles, aiguisées comme des bambous fendus, se dressent ; le vent s'engouffre dans ses quatre sabots, légers.
Ce couplet, par une métaphore ingénieuse et la synesthésie, saisit l'allure et la vitesse. « Oreilles aiguisées comme des bambous fendus » compare la forme droite et élégante des oreilles à des bambous taillés, montrant la vigilance dans l'immobilité. « Le vent s'engouffre dans ses quatre sabots, légers » est une touche vivante du mouvement : le verbe « s'engouffrer » donne au vent une initiative ; « légers » exprime la sensation merveilleuse d'aisance dans la course. En dix caractères, l'allure élégante et la vitesse extraordinaire du cheval prennent vie.
Troisième couplet : « 所向无空阔,真堪托死生。 »
suǒ xiàng wú kōng kuò, zhēn kān tuō sǐ shēng.
Là où il se dirige, nulle étendue n'est trop vaste ; vraiment, on peut lui confier vie et mort.
Le pinceau passe de l'extérieur à l'intérieur, de la forme à l'éloge de l'esprit et du caractère. « Là où il se dirige, nulle étendue n'est trop vaste » exprime le sentiment ultime de conquête spatiale, montrant son courage à défier les obstacles. « Vraiment, on peut lui confier vie et mort » l'élève au rang de compagnon d'armes et d'âme sœur, lui conférant une loyauté et une confiance au-delà de l'animal. Ce n'est pas seulement une description du cheval, mais la projection de la personnalité idéale aux yeux de Du Fu : capable à la fois de conquérir dix mille lieues et de se voir confier la vie et la mort.
Quatrième couplet : « 骁腾有如此,万里可横行。 »
xiāo téng yǒu rú cǐ, wàn lǐ kě héng xíng.
Féroce et véloce à ce point, sur dix mille lieues, il peut galoper en maître.
Le couplet final conclut par une exclamation, portant l'émotion à son comble. « Féroce et véloce » résume toutes les qualités précédentes — bravoure, agilité, vigueur. « Sur dix mille lieues, il peut galoper en maître » est à la fois une prophétie du destin du cheval et la déclaration ardente du poète lui-même, aspirant à transcender les limites de la réalité et déployer ses ambitions dans un vaste monde. Le ton est catégorique, la confiance éclate, débordant de l'atmosphère exaltante propre à l'âge d'or des Tang.
Analyse Globale
Le succès de ce poème descriptif réside dans l'atteinte du plus haut degré d'« expression de l'émotion à travers l'objet, union de l'homme et du cheval ». La structure est rigoureuse : les deux premiers couplets privilégient la « forme » — avec des détails typiques comme « échine osseuse, anguleuse », « oreilles aiguisées comme des bambous », « vent s'engouffrant dans les sabots », esquissant la forme physique extraordinaire du coursier ; les deux derniers couplets privilégient l'« esprit » — avec des paroles héroïques comme « nulle étendue n'est trop vaste », « confier vie et mort », « galoper en maître », révélant son noyau spirituel de conquête de l'espace et de loyauté à la mission. L'éloge du cheval progresse par strates : de l'origine noble à la forme exceptionnelle, puis à l'intrépidité, pour finalement s'élever en une passion vitale de balayer dix mille lieues.
L'image du coursier est sans aucun doute l'extériorisation de l'idéal du jeune Du Fu. Maigre et vigoureux, non empâté ; agile, non lourd ; loyal, non soumis : c'est précisément la beauté de caractère que le poète vénérait — une beauté à la fois ascétique et pleine de force, noble et prête à assumer ses responsabilités. Sous la plume de Du Fu, décrire le cheval, c'est exprimer ses aspirations ; la posture du coursier « galopant en maître sur dix mille lieues » est la répétition poétique de son ambition politique d'« aider son prince à surpasser Yao et Shun, et ramener les mœurs à la pureté ».
Caractéristiques Stylistiques
- Observation minutieuse, métaphores neuves : Le poète saisit les parties clés — « échine osseuse », « oreilles », « sabots » — et les décrit avec des métaphores et une synesthésie neuves et pertinentes comme « anguleuse », « aiguisées comme des bambous », « vent s'engouffrant », rendant l'image extrêmement vive, inoubliable.
- De la forme à l'esprit, progression distincte : Le poème suit la logique de « forme extérieure (ossature, oreilles, sabots) → qualités intérieures (courage, loyauté) → signification symbolique (galoper en maître sur dix mille lieues) », conception méticuleuse, l'atmosphère ne cessant de se sublimer.
- Langage concis, force prodigieuse : Les verbes et adjectifs sont très expressifs ; des mots comme « aiguisées », « s'engouffrer », « confier », « galoper en maître » sont précis et puissants, donnant aux vers un fort sens du mouvement et une vigoureuse ossature.
- Fusion parfaite de la description et de l'expression : Chaque vers décrit le cheval, et chaque vers révèle l'homme. L'éloge du coursier — « confier vie et mort », « galoper en maître » — se transforme sans heurt en l'expression des propres sentiments du poète : servir l'État, faire œuvre, faire confiance à la loyauté et au courage, réalisant l'unité du sujet et de l'objet.
Réflexions
Ce poème nous montre un jeune Du Fu fougueux, plein d'un sens de la puissance et de la lumière de l'idéal. Il nous rappelle que le grand poète n'a pas seulement un côté « grave, retenu, heurté » ; à l'apogée de sa vie, bouillonnait aussi la passion de conquérir des territoires et de maîtriser son destin. Ce poème est tel un hymne à la jeunesse, célébrant cet esprit courageux et résolu, au but clair, avançant résolument, osant confier sa vie à une grande entreprise.
À notre époque, le « coursier des steppes » du poème reste un symbole extrêmement stimulant. Il nous enseigne que le vrai talent et la valeur (« échine osseuse, anguleuse ») résident dans l'excellence des qualités intérieures, non dans l'ostentation extérieure ; le vrai succès (« galoper en maître sur dix mille lieues ») est inconcevable sans la transcendance concentrée de l'objectif (« nulle étendue n'est trop vaste ») et un caractère digne de confiance (« vraiment, on peut lui confier vie et mort »). Ce que Du Fu exprime à travers le cheval est une philosophie de l'effort et une atmosphère vitale qui, traversant les millénaires, peuvent encore susciter un écho.
À propos du poète

Du Fu (杜甫), 712 - 770 après J.-C., originaire de Xiangfan, dans la province de Hubei, est un grand poète réaliste de l'histoire chinoise. Du Fu a eu une vie difficile, et sa vie de troubles et de déplacements lui a fait ressentir les difficultés des masses, de sorte que ses poèmes étaient toujours étroitement liés aux événements actuels, reflétant la vie sociale de l'époque d'une manière plus complète, avec des pensées profondes et un horizon élargi.