Nuages sur le Fleuve : Brume Claire sur les Plaines de Chu​ de Zhou Bangyan

du jiang yun · qing lan di chu dian
La brume claire s’abaisse sur les plaines de Chu,
Les oies sauvages, réchauffées, déploient leurs ailes,
Leurs formations s’élèvent des bancs de sable.
Soudain, le printemps frappe mes yeux —
Je demande quand il viendra,
Par des chemins détournés, jusqu’aux maisons des montagnes.

Les sentiers s’embaument, les couleurs se fondent,
Tout se pare de poudre, rivalisant d’éclat.
Des milliers de fils — les saules au bord des routes,
Peu à peu assez denses pour cacher les corbeaux.

Hélas ! Le fleuve limpide coule vers l’est,
La barque peinte dérive vers l’ouest,
Montrant du doigt Chang’an sous le soleil.
Tristesse quand le banquet s’achève —
Le vent retourne les bannières,
Les vagues éclaboussent le chapeau noir.

Ce soir, je fais face au premier croissant de lune,
Près de la station fluviale,
Amarrage profond parmi les roseaux.
Là où la rancœur s’enfonce,
Je m’occupe à tailler la mèche de la lampe,
Encore et encore.

Poème chinois

「渡江云 · 晴岚低楚甸」
晴岚低楚甸,暖回雁翼,阵势起平沙。
骤惊春在眼,借问何时,委曲到山家。
涂香晕色,盛粉饰、争作妍华。
千万丝、陌头杨柳,渐渐可藏鸦。

堪嗟。清江东注,画舸西流,指长安日下。
愁宴阑、风翻旗尾,潮溅乌纱。

今宵正对初弦月,傍水驿、深舣蒹葭。
沉恨处,时时自剔灯花。

周邦彦

Explication du poème

Ce ci fut composé par Zhou Bangyan lors de son séjour à Jingzhou, représentatif des œuvres de sa maturité utilisant la forme longue (changdiao). Bien que s'inscrivant dans le thème printanier, il recèle une profonde nostalgie du pays natal et des réflexions sur sa carrière officielle. Le poète, à travers les paysages devant ses yeux, exprime ses tourments intérieurs, fusionnant récit de voyage, effusion lyrique et description scénique en une structure rigoureuse et une émotion enveloppante. Ceci constitue un sommet artistique rare parmi les ci longs des Song.

Première strophe : « 晴岚低楚甸,暖回雁翼,阵势起平沙。骤惊春在眼,借问何时,委曲到山家。涂香晕色,盛粉饰、争作妍华。千万丝、陌头杨柳,渐渐可藏鸦。 »
Qíng lán dī chǔ diàn, nuǎn huí yàn yì, zhèn shì qǐ píng shā. Zhòu jīng chūn zài yǎn, jiè wèn hé shí, wěi qū dào shān jiā. Tú xiāng yūn sè, shèng fěn shì, zhēng zuò yán huá. Qiān wàn sī, mò tóu yáng liǔ, jiàn jiàn kě cáng yā.
"Brume claire sur les plaines du Chu,
La chaleur revient aux ailes des oies,
Formations s'élèvent sur le sable plat.
Soudain surpris par le printemps sous mes yeux,
Je demande quand il est venu,
En détours jusqu'aux maisons montagnardes.
Couvrant de parfums et teintes,
Se fardant avec excès, rivalisant de splendeur.
Des milliers de fils, les saules au bord des chemins,
Peuvent peu à peu cacher les corbeaux."

Ces vers débutent par une perspective vaste, déployant une scène majestueuse avec "brume claire", "ailes d'oies" et "sable plat", où mouvement et immobilité s'entrelacent. "Soudain surpris par le printemps" introduit une transition psychologique abrupte vers une perception subjective, matérialisant l'intangible printemps. "En détours" (委曲) est particulièrement ingénieux, dépeignant une arrivée discrète et sinueuse du printemps. "Couvrant de parfums et teintes" donne vie à une nature transformée par le printemps, d'une vivacité chromatique intense. "Cacher les corbeaux" est d'une subtilité remarquable - sans mentionner la laideur des corbeaux, il suggère l'abondance printanière capable de les dissimuler, révélant une tolérance et un espoir au cœur de la saison.

Deuxième strophe : « 堪嗟。清江东注,画舸西流,指长安日下。愁宴阑、风翻旗尾,潮溅乌纱。 »
Kān jiē. Qīng jiāng dōng zhù, huà gě xī liú, zhǐ cháng ān rì xià. Chóu yàn lán, fēng fān qí wěi, cháo jiàn wū shā.
"Hélas ! Le fleuve limpide coule vers l'est,
Mon bateau peint vogue vers l'ouest,
Pointant Chang'an sous le soleil.
Banquet mélancolique achevé,
Le vent retourne les bannières,
Les vagues éclaboussent mon bonnet noir."

L'exclamation initiale "Hélas !" ramène brutalement des joies printanières à la réalité mélancolique. Le bateau naviguant vers l'ouest contre le courant vers l'est symbolise l'adversité du voyage et de la carrière, avec "Chang'an sous le soleil" (allusion à la capitale) exprimant l'aspiration politique. "Le vent retourne les bannières" et "les vagues éclaboussent" sont des détails réalistes métaphorisant les tempêtes bureaucratiques, révélant la position précaire du poète en périphérie du pouvoir.

Troisième strophe : « 今宵正对初弦月,傍水驿、深舣蒹葭。沉恨处,时时自剔灯花。 »
Jīn xiāo zhèng duì chū xián yuè, bàng shuǐ yì, shēn yǐ jiān jiā. Chén hèn chù, shí shí zì tī dēng huā.
"Ce soir face au jeune croissant,
Près de la station fluviale,
Mon bateau profondément ancré dans les roseaux.
Là où la rancœur s'accumule,
Sans cesse je moucharde la mèche."

Ces vers conclusifs concentrent les paysages grandioses et les soupirs politiques en un recoin silencieux. La nouvelle lune, la station fluviale et les roseaux créent une solitude palpable. "Là où la rancœur s'accumule" condense toute l'émotion précédente, tandis que "moucharder la mèche" - un geste minuscule et répétitif - incarne l'insomnie et l'angoisse persistante, élevant la抒情 à son paroxysme.

Lecture globale

Ce ci dépeint les paysages printaniers, les tribulations du retour et les réflexions nocturnes, exprimant avec finesse l'état d'esprit du poète dans les turbulences politiques et l'exil. Bien que décrivant le printemps, il évite toute légèreté joyeuse pour une mélancolie subtile - la beauté devant les yeux ne libérant pas le cœur.

Structurellement, la première strophe déploie le printemps avec ampleur et tendresse ; la seconde se resserre sur le retour et l'amertume, progressant du lointain au proche, du statique au dynamique, des paysages aux sentiments. Le traitement des images - "ailes d'oies", "maisons montagnardes", "saules cachant les corbeaux" - montre une fluidité et un chromatisme remarquables, tandis que "bateau vers l'ouest", "bonnet éclaboussé" et "mèche mouchardée" fusionnent paysage et émotion.

Sans jamais mentionner explicitement la "mélancolie", chaque mot en est imprégné ; bien que décrivant des scènes, c'est toujours l'âme qui s'exprime. Comme Li Qingzhao l'a noté, les ci de Zhou Bangyan sont "comme regarder des fleurs dans la brume, la lune dans l'eau" - un style suggestif et raffiné, profondément émouvant dans sa clarté, qui atteint ici sa pleine expression.

Spécificités stylistiques

  • Déploiement d'images, fusion mouvement-repos : Brume, formations d'oies, saules et bateaux peints tissent une tapisserie spatiale et émotionnelle fluide.
  • Fusion paysage-émotion, retenue suggestive : Les sentiments s'expriment indirectement à travers les scènes, comme "moucharder la mèche" incarnant à la fois action nocturne et tourment intérieur.
  • Structure symétrique, progression graduelle : Première strophe plantant le décor, seconde développant l'émotion, formant un tout organique et stratifié.

Éclairages

Plus qu'un simple poème printanier, cette œuvre est une méditation sur le retour, la carrière et la condition humaine. Le contraste entre les paysages splendides et l'isolement intérieur reflète une expérience universelle - la beauté devant nous ne calmant pas les obsessions derrière nous.

Elle nous enseigne que le printemps peut être là sans joie, le retour proche sans paix. Ce qui vraiment émouvant n'est pas le paysage, mais les obsessions inassouvies et les foyers inatteignables. La silhouette du poète mouchardant la mèche sous la jeune lune ressemble à nous, réfléchissant la nuit - solitaires, lucides, mais trop tendres pour abandonner.

À propos du poète

Zhou Bangyan

Zhou Bangyan (周邦彦, 1056 - 1121), originaire de Qiantang (Hangzhou), fut le grand synthétiseur du lyrisme retenu des Song du Nord. Ses poèmes, d'une richesse ornementale et d'une perfection formelle, inventèrent des dizaines de nouveaux tons et mètres. Consacré "couronne des poètes lyriques", il influença profondément Jiang Kui et Wu Wenying, devenant le maître fondateur de l'école du mètre rigoureux.

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