Vouloir oublier.
Ne pas oublier.
Le beau seigneur de jade et la belle Lune,
Combien de fois ont-ils brisé mon cœur ?
Je veux quitter le lit.
Je remonte dans le lit.
Une fois au lit, je pense au pays natal.
Le vent du nord prolonge mes rêves.
Poème chinois
「长相思 · 要相忘」
吕本中
要相忘。不相忘。
玉树郎君月艳娘。几回曾断肠。
欲下床。却上床。
上得床来思旧乡。北风吹梦长。
Explication du poème
Ce poème lyrique (ci) fut composé sous la dynastie Song, utilisant le cipai "Longue Nostalgie" (长相思), souvent employé pour exprimer la douleur de la séparation et les sentiments amoureux. Tout au long de sa vie, Lü Benzhong endura les souffrances de l'errance, vivant loin de sa famille et de ses proches, ballotté entre carrière officielle et retraite solitaire. Cette œuvre exprime son incapacité à oublier un amour passé, à travers les regrets entrelacés d'une femme et d'un voyageur. Peut-être alors résidait-il dans des contrées froides et inhospitalières, tiraillé entre ambitions politiques et solitude, son attachement tenace aux sentiments d'autrefois se déversant dans ce bref poème.
Première strophe : « 要相忘。不相忘。玉树郎君月艳娘。几回曾断肠。 »
Yào xiāng wàng. Bù xiāng wàng. Yù shù láng jūn yuè yàn niáng. Jǐ huí céng duàn cháng.
"Je veux t'oublier. Je ne peux t'oublier.
Toi, le beau seigneur comme un arbre de jade ; moi, la belle dame comme la lune brillante.
Combien de fois cela nous a brisé le cœur ?"
La strophe s'ouvre sur une antithèse répétée, "Je veux t'oublier. Je ne peux t'oublier", créant un contraste saisissant qui expose d'emblée la tension émotionnelle. Puis viennent les métaphores symétriques : "beau seigneur comme un arbre de jade" et "belle dame comme la lune brillante", comparant les amants à des éléments naturels sublimes pour évoquer leur grâce passée et leur affinité. Le vers final, "Combien de fois cela nous a brisé le cœur ?", utilise l'hyperbole pour exprimer l'intensité de la nostalgie, rendant l'émotion palpable.
Seconde strophe : « 欲下床。却上床。上得床来思旧乡。北风吹梦长。 »
Yù xià chuáng. Què shàng chuáng. Shàng dé chuáng lái sī jiù xiāng. Běi fēng chuī mèng cháng.
"Je veux quitter le lit. Je retourne au lit.
Une fois au lit, je pense au pays natal.
Le vent du nord allonge mes rêves."
Ici, l'émotion abstraite de la nostalgie se matérialise dans des gestes concrets - quitter le lit, y retourner - illustrant l'agitation sans issue de la femme. La répétition des premiers vers crée un mouvement de va-et-vient, comme les vagues de la mélancolie. "Penser au pays natal" fusionne la nostalgie amoureuse et le mal du pays, approfondissant la portée affective. "Le vent du nord allonge mes rêves" est à la fois une image et une métaphore : le vent froid prolonge les rêves comme il prolonge le chagrin, suggérant une tristesse sans fin.
Lecture globale
Ce poème, avec son langage concis et ses répétitions rythmées, dépeint l'amour indéfectible entre deux êtres séparés. La première strophe expose directement le thème de l'impossibilité d'oublier, à travers le dialogue imaginaire des amants. La seconde strophe internalise l'émotion, utilisant des actions quotidiennes pour montrer l'enlisement dans la nostalgie. En quelques vers seulement, il capture l'obstination de l'amour, la tendresse des sentiments et la persistance de la mémoire. Comme une chanson populaire, il allie simplicité folklorique et profondeur littéraire. Lü Benzhong ne recherche pas l'éclat des mots, mais privilégie une expression franche qui rend l'émotion authentique et durable.
Spécificités stylistiques
- Structure symétrique et répétition : Les deux strophes utilisent des répétitions de phrases de trois caractères, créant un rythme musical et une intensité émotionnelle croissante.
- Imaginaire épuré et concentré : Des images simples comme "arbre de jade", "lune brillante" et "vent du nord" traversent le poème, offrant une vision claire et cohérente.
- Progression émotionnelle : De l'amour inoubliable à l'agitation sans repos, puis à la nostalgie étendue par le vent, les sentiments s'approfondissent en peu de mots.
- Langage simple, émotion profonde : Le discours direct et les métaphores accessibles véhiculent une sincérité poignante.
Éclairages
Ce poème nous rappelle qu'un véritable attachement résiste à l'éloignement et au temps. La nostalgie n'est pas qu'un sentiment, mais une force qui relie les souvenirs, le mal du pays et la chaleur vitale. Même dans la solitude et le froid, cet amour persiste dans les rêves et le cœur, comme "le vent du nord allongeant les rêves", infini. Il nous enseigne à chérir les moments partagés, car une fois séparés, les souvenirs et les regrets deviennent une empreinte indélébile, à la fois douce et douloureuse.
À propos du poète
Lü Benzhong (吕本中 1084 - 1145), originaire de Shouxian dans l'Anhui, fut un éminent poète et érudit néoconfucéen sous la dynastie Song du Sud. Théoricien clé de l'École poétique du Jiangxi, il formula le concept de « méthode vivante » (huofa), prônant des variations naturelles dans le cadre des règles poétiques établies. Auteur de plus de 1 270 poèmes conservés, sa Généalogie de l'École poétique du Jiangxi (Jiangxi Shishe Zongpai Tu) établit Huang Tingjian comme patriarche du mouvement, influençant profondément la théorie poétique des Song et servant de pont entre l'École Jiangxi et les Quatre Maîtres de la Renaissance Song.