La nuit, j’embarque parmi les bois et les étangs,
Le chant des insectes, le sifflement des roseaux.
Toutes les ombres naissent de la lune,
Mille sons disent chacun l’automne.
Les saisons passent, vaines, déjà tardives,
La nostalgie du pays ne supporte plus la tristesse.
Au-delà des nuages flottants au nord-ouest,
Où donc serpente la rivière Yi ?
Poème chinois
「秋夜泛舟」
刘方平
林塘夜发舟,虫响荻飕飕。
万影皆因月,千声各为秋。
岁华空复晚,乡思不堪愁。
西北浮云外,伊川何处流。
Explication du poème
Liu Fangping, après avoir vécu en ermite dans les campagnes dans sa jeunesse, entra finalement en fonction officielle, mais sa carrière ne fut pas prospère. Ses poèmes évoquent souvent les forêts et les champs, les chagrins d'amour et les séparations, ainsi que les sentiments éprouvés lors de voyages. Ce poème fut probablement composé alors qu'il résidait oisivement ou voyageait au loin ; une nuit d'automne, naviguant sur un étang boisé, le paysage toucha son cœur. Au milieu de la dynastie Tang, les seigneurs de guerre locaux se partageaient le territoire, les guerres étaient fréquentes, et les lettrés ressentaient souvent une instabilité et une errance. Dans la nuit d'automne tranquille, Liu Fangping, à travers le clair de lune, le chant des insectes et le flux du fleuve, exprima ses sentiments sur l'écoulement du temps et sa profonde nostalgie pour son pays natal.
Premier vers : « 林塘夜发舟,虫响荻飕飕。 »
Lín táng yè fā zhōu, chóng xiǎng dí sōu sōu.
"La nuit sur l'étang boisé, je lance mon bateau ;
Le chant des insectes, le bruissement des roseaux."
Le début situe le temps et le lieu, dépeignant l'atmosphère tranquille d'une navigation nocturne en automne. Le chant des insectes et le bruissement du vent constituent une bande-son, évoquant à la fois un environnement frais et symbolisant la solitude et l'isolement.
Second vers : « 万影皆因月,千声各为秋。 »
Wàn yǐng jiē yīn yuè, qiān shēng gè wèi qiū.
"Toutes les ombres naissent de la lune ;
Mille sons, chacun dit l'automne."
Ce vers passe à la description du paysage. La clarté lunaire illumine toute chose, créant d'innombrables ombres ; les chants d'insectes, le bruissement du vent et des roseaux convergent en "mille sons", tous imprégnés de la fraîcheur et de la mélancolie automnales. Le poète condense les phénomènes naturels en deux images centrales, "lune" et "automne", d'une grande puissance de synthèse.
Troisième vers : « 岁华空复晚,乡思不堪愁。 »
Suì huá kōng fù wǎn, xiāng sī bù kān chóu.
"Les années passent en vain, déjà le soir ;
La nostalgie du pays natal, douleur insupportable."
L'émotion naît du paysage, se transformant en expression de sentiments. Ici, "en vain, déjà le soir" (空复晚) révèle une sensation existentielle, trahissant les regrets du poète face à un talent incompris et des années perdues. "Nostalgie du pays natal" (乡思) pointe directement la solitude et l'amertume de l'errance loin de chez soi.
Quatrième vers : « 西北浮云外,伊川何处流。 »
Xī běi fú yún wài, Yī chuān hé chù liú.
"Au-delà des nuages flottants du nord-ouest,
Où donc coule la rivière Yi ?"
La conclusion se clôt sur une question, dirigeant les pensées vers le lointain pays natal. "Nuages flottants" symbolisent l'obstruction, "rivière Yi" indique l'appartenance. Le poète contemple l'horizon, empli d'une nostalgie impossible à assouvir, ne pouvant que confier ses sentiments au flux de la rivière, écrit avec retenue et profondeur.
Appréciation globale
Le poème prend pour toile de fond une navigation nocturne en automne, se déployant progressivement : les deux premiers vers décrivent le paysage, créant une atmosphère fraîche, belle mais solitaire ; les deux derniers vers se tournent vers le lyrique, exprimant directement la tristesse face au temps qui passe et à la nostalgie du pays natal. Scène et sentiment sont étroitement entrelacés, l'ambiance est profonde et lointaine. Liu Fangping excelle à utiliser un langage concis pour créer des images : par exemple, le vers "le chant des insectes, le bruissement des roseaux" est très auditif et visuel ; "toutes les ombres naissent de la lune, mille sons disent l'automne" est hautement synthétique, montrant l'éthérée profondeur de la nuit d'automne. Le poète utilise l'image du petit bateau errant pour exprimer les sentiments d'une vie sans ancrage. Bien que dépeignant une émotion personnelle, le poème reflète la perte et la mélancolie普遍 des lettrés dans la société troublée du milieu des Tang.
Caractéristiques stylistiques
- Fusion de la scène et du sentiment, transition naturelle
La première moitié décrit le paysage, la seconde exprime les sentiments, l'émotion naît de la scène, coulant naturellement, formant une structure complète allant du calme au mouvement, de la scène à l'émotion. - Images fraîches, riches en symbolisme
Lune, insectes, roseaux, bateau, nuages flottants, eau du fleuve et autres images créent une atmosphère de solitude, symbolisant l'errance de la vie, l'impermanence des affaires mondaines et l'impossibilité de retourner au pays natal. - Langage condensé, antithèse soignée
La phrase "toutes les ombres naissent de la lune, mille sons disent l'automne" est structurée, le langage concis, le sens profond, montrant une grande maîtrise poétique. - Mélodie lointaine, ton clair et délicat
Le poème excelle dans le style régulier à cinq caractères, les syllabes harmonieuses, le rythme lent, le ton global est clair et délicat, laissant une résonance durable.
Éclairages
La vie est souvent errance et solitude, comme un petit bateau flottant sur un étang boisé par une nuit d'automne. Face au gaspillage des années et à l'oppression de la nostalgie, le poète ne crie pas directement, mais transmet ses sentiments intérieurs through des images naturelles. Cela nous enseigne que dans la réalité, nous pouvons aussi apaiser notre âme en nous tournant vers les paysages et en contemplant la nature, en utilisant des environnements frais pour précipiter nos émotions, afin d'acquérir la force de nous réconcilier avec nous-mêmes. Simultanément, il rappelle de chérir le temps, de ne pas attendre de le gaspiller, et de faire face à l'errance et à l'impermanence de la vie.
À propos du poète
Liu Fangping (刘方平 env. 742 – env. 785), originaire de Luoyang dans le Henan. Poète ermite et peintre à la charnière entre le Haut et le Moyen Tang, il se distingua par un style poétique délicat et subtil, habile à dépeindre les lamentations de gynécée et les nuits lunaires. Bien que seuls 26 de ses poèmes subsistent dans les Poèmes complets des Tang, des œuvres comme Nuit de lune et Plainte printanière lui assurèrent une place dans le canon de la poésie tang. Acclamé comme « la voix pure du Haut Tang et l’annonce du Moyen Tang », sa poésie fusionna la lucidité du style Qi-Liang avec la sérénité zen, influençant profondément la tradition lyrique ci postérieure et la littérature féminine de l’ère Heian au Japon.