Chute des Fleurs de Prunier de Liu Fangping

mei hua luo
Sur le prunier parfumé de la nouvelle année,  
Les fleurs luxuriantes s'épanouissent de toutes parts.

Le vent printanier les fait peu à peu tomber,
En une nuit, combien de branches se vident ?

La jeune épouse est désormais ainsi,
Sa rancune envers la Grande Muraille est sans fin.

Ne comparez pas la neige de la mer du Liaodong,
Aux fleurs de sa cour arrière.

Poème chinois

「梅花落」
新岁芳梅树,繁花四面同。
春风吹渐落,一夜几枝空。
少妇今如此,长城恨不穷。
莫将辽海雪,来比后庭中。

刘方平

Explication du poème

Ce poème fut composé durant l'ère Tianbao (742-756) sous le règne de l'empereur Xuanzong des Tang. Bien que la dynastie Tang apparût encore prospère en surface, des signes de déclin commençaient à poindre. L'empereur, avide de gloire, multipliait les campagnes militaires aux frontières, entraînant des guerres fréquentes au Liaodong et dans le corridor du Hexi. De nombreux jeunes hommes furent enrôlés pour garder les frontières, laissant leurs familles déchirées et leurs épouses seules dans des chambres vides, rongées par le ressentiment. Liu Fangping, s'inspirant souvent de la réalité sociale, utilisait des paysages naturels pour exprimer le ressentiment et la tristesse de la séparation dans la vie des femmes. La Chute des fleurs de prunier (梅花落) en est un représentant exemplaire : en surface, il décrit la chute des fleurs de prunier, mais en réalité, il exprime le ressentiment des jeunes femmes et leur dénonciation de la guerre, montrant une forte préoccupation réaliste.

Premier distique : « 新岁芳梅树,繁花四面同。 »
Xīn suì fāng méi shù, fán huā sì miàn tóng.
"En la nouvelle année, le prunier parfumé,
Ses fleurs luxuriantes éclatent de toutes parts."

Ce distique décrit la floraison du prunier. Le poète ne dépeint pas l'ombre clairsemée et la silhouette mince des fleurs de prunier, mais saisit "parfumé" (芳) et "luxuriant" (繁) pour souligner leur beauté ardente et abondante. Cela reflète la préférence esthétique des Tang pour la prospérité et l'ardeur, tout en préparant la "chute graduelle" qui suit. L'extrême prospérité annonce le début du déclin, suggérant que l'apogée de la vie passe en un instant.

Second distique : « 春风吹渐落,一夜几枝空。 »
Chūn fēng chuī jiàn luò, yī yè jǐ zhī kōng.
"La brise printanière les fait tomber peu à peu ;
En une nuit, plusieurs branches se vident."

Ce distique passe de la prospérité au déclin, pointant le destin éphémère des fleurs de prunier. "Tomber peu à peu" (渐落) et "plusieurs branches se vident" (几枝空) sont très visuels, exprimant le sentiment d'impermanence des belles choses qui disparaissent en un instant. Ici, c'est à la fois une description de paysage et une correspondance secrète avec l'état d'esprit de la jeune femme dont la beauté éphémère se fane, symbolisant la difficulté de préserver la jeunesse et la beauté face au temps.

Troisième distique : « 少妇今如此,长城恨不穷。 »
Shào fù jīn rú cǐ, cháng chéng hèn bù qióng.
"La jeune femme est maintenant ainsi,
La haine de la Grande Muraille est infinie."

Passant des choses aux humains, le poète révèle son thème. La floraison et la chute des pruniers déclenchent les regrets de la jeune femme : sa jeunesse éphémère, son mari en expédition frontalière, leur impossibilité de rester ensemble, gaspillant le bon moment. "Grande Muraille" (长城) représente ici les guerres frontalières, révélant directement le contexte social, liant intimement le ressentiment féminin aux troubles nationaux, avec une signification de critique sociale implicite mais profonde.

Quatrième distique : « 莫将辽海雪,来比后庭中。 »
Mò jiāng liáo hǎi xuě, lái bǐ hòu tíng zhōng.
"Ne comparez pas la neige de la mer du Liao
Aux fleurs tombées dans l'arrière-cour."

La conclusion revient à la scène des fleurs de prunier tombées, clôturant l'ensemble sur un ton détourné. Les fleurs tombées ressemblent à de la neige accumulée, mais la jeune femme refuse de les comparer aux étendues enneigées du Liaodong, car cela évoquerait une tristesse infinie de la séparation conjugale due au service frontalier. Par métaphore et négation, le poète approfondit l'atmosphère lugubre du poème, fusionnant scène et sentiment pour une résonance durable.

Lecture globale

Ce poème décrit en surface la floraison et la chute des fleurs de prunier, mais exprime en réalité le ressentiment d'une jeune femme seule dans sa chambre vide. Par le contraste entre la floraison luxuriante et la chute rapide des fleurs de prunier, il montre le sentiment de jeunesse éphémère ; par la combinaison des regrets de la jeune femme et de la "haine de la Grande Muraille", il révèle les ravages de la guerre frontalière sur la vie familiale. Enfin, la confrontation entre "neige de la mer du Liao" et "fleurs de prunier de l'arrière-cour" intègre habilement le paysage naturel et les souffrances humaines, implicite et riche de tension. Le poème fusionne scène et sentiment, la célébration des choses et les émotions féminines, les préoccupations sociales s'unissant naturellement, faisant d'un bref quatrain une œuvre alliant beauté esthétique et douleur réaliste.

Spécificités stylistiques

  • Commencement par les choses, expression des sentiments through le paysage : Le poète ne décrit pas simplement le prunier, mais through sa prospérité et sa chute, évoque la jeunesse éphémère de la jeune femme, exprimant ses sentiments through les choses.
  • Combinaison de la célébration des choses, des émotions féminines et de la réalité sociale : Le poème allie la finesse de la poésie célébrant les choses, la profonde émotion de la poésie du ressentiment féminin et les préoccupations réalistes de la poésie satirique, épaississant le thème.
  • Contraste et transition nets : Le contraste entre fleurs luxuriantes et branches vidées en une nuit, et le contraste entre la chute des fleurs de prunier et la "haine infinie de la Grande Muraille" soulignent l'écoulement du temps et l'impermanence des affaires humaines.
  • Langage délicat et implicite : La phrase finale se clôt sur une négation, évitant une plainte directe, paraissant d'autant plus touchante et mélancolique, à la résonance durable.
  • Concentration et raffinement, images typiques : Vingt-huit caractères seulement, mais englobant paysage naturel, regrets humains et critique sociale, incarnant pleinement la haute puissance de synthèse artistique des quatrains tang.

Éclairages

Ceci n'est pas qu'un poème de ressentiment féminin, mais aussi une poésie réaliste célébrant les choses. Il exprime les regrets de la jeunesse éphémère through la chute des fleurs de prunier, et révèle les ravages de la guerre sur les familles ordinaires through les chagrins de la jeune femme. Le poème nous enseigne : derrière la prospérité d'un âge d'or se cachent souvent des souffrances sociales ; la brièveté des belles choses rappelle de chérir le présent et de réfléchir aux conquêtes inutiles. Prenant la chute des fleurs de prunier comme symbole, il fusionne les douleurs personnelles et nationales, possédant une puissance de résonance transcendante.

À propos du poète

Liu Fangping

Liu Fangping (刘方平 env. 742 – env. 785), originaire de Luoyang dans le Henan. Poète ermite et peintre à la charnière entre le Haut et le Moyen Tang, il se distingua par un style poétique délicat et subtil, habile à dépeindre les lamentations de gynécée et les nuits lunaires. Bien que seuls 26 de ses poèmes subsistent dans les Poèmes complets des Tang, des œuvres comme Nuit de lune et Plainte printanière lui assurèrent une place dans le canon de la poésie tang. Acclamé comme « la voix pure du Haut Tang et l’annonce du Moyen Tang », sa poésie fusionna la lucidité du style Qi-Liang avec la sérénité zen, influençant profondément la tradition lyrique ci postérieure et la littérature féminine de l’ère Heian au Japon.

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