Réponse à Pi Rimé de Lu Guimeng

feng he xi mei bao ji du men jian ji ci yun
Bien que manqué le rendez-vous ivre dans la ville printanière,  
J’ai achevé tous mes livres — mais pas encore mes poèmes.

Je chante les cent arpents d’orchidées sur les rives de Ying,
Cueillirais-je les trois lys brillants des falaises de Shang ?

La cage du héron sauvage, tressée lâche pour son confort,
Le repas du moine des montagnes, cuit spécialement pour lui.

Si l’on guérit les yeux doubles de Shen Yue,
Les fleurs du fleuve ne craindront plus de couvrir les branches.

Poème chinois

「奉和袭美抱疾杜门见寄次韵」
虽失春城醉上期,下帷裁遍未裁诗。
因吟郢岸百亩蕙,欲采商崖三秀芝。
栖野鹤笼宽使织,施山僧饭别教炊。
但医沈约重瞳健,不怕江花不满枝。

陆龟蒙

Explication du poème

Pi Rixiu, confiné chez lui pour cause de maladie, ne pouvait participer aux rassemblements printaniers avec Lu Guimeng et lui adressa donc un poème exprimant ses regrets. Lu Guimeng, lié par une amitié profonde avec Pi Rixiu – leurs échanges poétiques fréquents leur valant le surnom conjoint de "Pi-Lu" –, profite de cette réponse pour témoigner sa sollicitude envers son ami malade tout en célébrant leur affinité spirituelle et leur amitié indéfectible face à l'adversité. Le poème exprime autant le regret des plaisirs printaniers manqués que la sérénité détachée propre aux reclus.

Premier distique : « 虽失春城醉上期,下帷裁遍未裁诗。 »
Suī shī chūn chéng zuì shàng qī, xià wéi cái biàn wèi cái shī.
"Bien qu'ayant manqué notre rendez-vous d'ivresse en la cité printanière,
Tu as baissé les rideaux, corrigeant maints poèmes mais n'en composant pas de nouveaux."

Le poète mentionne d'emblée le confinement de son ami dû à la maladie et l'absence au rendez-vous. Il exprime à la fois le regret et la consolation. Le mot "manquer" (失) souligne l'absence aux joies printanières partagées ; "ne pas composer de nouveaux poèmes" (未裁诗) reflète le regret de ne pouvoir échanger vers pour vers.

Second distique : « 因吟郢岸百亩蕙,欲采商崖三秀芝。 »
Yīn yín Yǐng àn bǎi mǔ huì, yù cǎi Shāng yá sān xiù zhī.
"En psalmodiant, les cent arpents d'orchidées de la rive de Ying ;
Désirant cueillir les ganodermes triples des falaises de Shang."

Les orchidées et les ganodermes symbolisent les poèmes et la vertu. C'est autant un éloge du talent de Pi Rixiu qu'une allusion à son esprit qui, bien que confiné par la maladie, aspire toujours aux paysages poétiques et sublimes.

Troisième distique : « 栖野鹤笼宽使织,施山僧饭别教炊。 »
Qī yě hè lóng kuān shǐ zhī, shī shān sēng fàn bié jiào chuī.
"La grue sauvage se perche, sa cage est vaste et tisse à l'aise ;
Le moine des montagnes offre son riz, apprenant une autre façon de cuisiner."

Les images de la grue et du moine servent d'autoportrait et de consolation. Le premier vers évoque la quiétude et l'autonomie, le second la pauvreté joyeuse. Le poète suggère que même confiné par la maladie et menant une vie simple, on peut trouver contentment.

Quatrième distique : « 但医沈约重瞳健,不怕江花不满枝。 »
Dàn yī Shěn Yuē chóng tóng jiàn, bù pà jiāng huā bù mǎn zhī.
"Pourvu que soit guéri Shen Yue aux pupilles doubles,
Ne crains point que les fleurs du fleuve ne couvrent les branches."

Le poète utilise l'allusion à Shen Yue, lettré des Dynasties du Sud guéri d'une maladie oculaire, pour souhaiter le rétablissement de son ami. Le dernier vers, metaphorique, assure que si la santé revient, même si les fleurs printanières fanent, il sera toujours temps de les admirer à nouveau, exprimant une sollicitude authentique.

Lecture globale

Ce poème, d'une douceur naturelle et d'une profonde affection, s'ouvre sur le "rendez-vous manqué", exprimant le regret de l'absence aux rassemblements printaniers. Il se développe ensuite avec des images d'orchidées, de ganodermes, de grues et de moines, encourageant l'ami à se consacrer à l'étude et à accepter la convalescence avec sérénité. Le distique final offre des vœux de santé, l'émotion contenue dans l'allusion, concluant avec retenue.

Sans tonalité de tristesse directe, le poème dissout le chagrin de la maladie par un ton détaché. Il exprime non seulement l'amitié, mais reflète aussi l'état d'âme du poète – dans les troubles de la fin des Tang, Lu Guimeng et Pi Rixiu, éloignés de la carrière officielle, vivaient en commoners, se tournant vers les paysages. Profitant de ces échanges poétiques, le poète console son ami tout en s'offrant une consolation personnelle.

Spécificités stylistiques

  • Échanges poétiques comme support, amitié comme essence
    Le poème naît de la réponse à un ami, son but étant de répondre à Pi Rixiu. L'émotion sincère, centrée sur la consolation et les vœux, déborde d'une profonde amitié.
  • Allusions naturelles, ambiance sublime
    Les allusions aux "orchidées de Ying", "ganodermes de Shang", "pupilles de Shen Yue" proviennent toutes d'anciens textes mais sans artificialité, s'intégrant naturellement à l'atmosphère poétique, élevant son niveau.
  • Comparaisons vivantes, émotion dans les choses
    Les images de la grue et du moine sont hautement symboliques : la grue évoque la quiétude et la noblesse, le moine la pauvreté sereine. À travers elles, le poète exprime sa compréhension et sa consolation face à la situation de son ami.
  • Langage délicat, style élégant et détendu
    Sans tristesse intense, mais avec une tonalité légère et paisible, le poème fusionne habillement maladie, amitié et paysage printanier, montrant le style détendu caractéristique de Lu Guimeng.
  • Encouragement through le paysage, consolation par la métaphore
    De l'absence aux joies printanières à la sublimité des fleurs et herbes, puis à la quiétude des grues et moines, pour aboutir aux vœux de santé, le poème progresse logiquement, formant une consolation complète.

Éclairages

Ce poème nous enseigne que la vraie amitié ne réside pas seulement dans les plaisirs partagés, mais aussi dans la sollicitude et le soutien mutuels face à l'adversité. Par ses vers, Lu Guimeng transmet du réconfort, transformant les joies printanières en joies de l'esprit, exprimant la sagesse selon laquelle "la maladie n'entrave pas la volonté, la pauvreté n'altère pas l'affection". Il nous inspire à offrir, face à la souffrance ou aux difficultés d'un ami, non pas de simples condoléances, mais des encouragements sincères et une consolation douce, apportant un soutien et une force morale.

À propos du poète

Lu Guimeng

Lu Guimeng (陆龟蒙 ?- c. 881 apr. J.-C.) , Écrivain et agronome de la fin de la dynastie Tang, originaire de Suzhou dans le Jiangsu. Après avoir échoué à l'examen impérial jinshi, il se retira à Puli (Songjiang) où il forma un célèbre duo littéraire avec Pi Rixiu, connu sous le nom de "Pi-Lu". Sa poésie, souvent satirique envers les réalités sociales, se caractérise par une clarté austère et une élégance sobre. Inscrit dans le Recueil des Talents Poétiques des Tang, Lu Xun qualifia ses essais de "lueur et tranchant au milieu d'un bourbier confus", faisant de lui une voix unique dans le paysage littéraire de la fin des Tang.

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