Pourquoi le printemps presse-t-il tant cette année ?
Pluie violente, vent fou — cela m’agace profondément.
Pas une pousse de bambou n’ose pointer sous ce déluge,
Je maudis ces trois jours de vent qui n’en finissent plus.
Poème chinois
「宿新市徐公店 · 其二」
杨万里
篱落疏疏一径深,树头新绿未成阴。
儿童急走追黄蝶,飞入菜花无处寻。
Explication du poème
Ce poème fut composé sous l'ère Chunxi (1174-1189) des Song du Sud. Durant ses dernières années, Yang Wanli vécut souvent en exil dans la région du Lingnan, où les conditions de vie étaient précaires et les intempéries fréquentes, affectant son humeur. Le troisième jour du troisième mois lunaire était traditionnellement consacré aux excursions printanières et aux banquets au bord de l'eau. Mais cette année, des pluies persistantes gâchèrent les festivités, inspirant au poète une série de dix quatrains pour exprimer son ennui. Celui-ci, le premier de la série, traduit l'irritation causée par la pluie et le regret de la brièveté printanière, révélant la sensibilité du poète face aux caprices de la nature.
Premier distique : « 今年春事底匆匆,雨急风颠恼得侬。 »
Jīn nián chūn shì dǐ cōng cōng, yǔ jí fēng diān nǎo dé nóng.
"Cette année, pourquoi le printemps passe-t-il si vite ?
Pluies brutales et vents fous exaspèrent mon âme."
Le poète commence par déplorer la fuite du printemps avant de décrire l'assaut des intempéries, exprimant avec une franchise directe l'irritation face à l'inconstance des saisons.
Second distique : « 不见一林如许笋,犹嫌三日向来风。 »
Bú jiàn yī lín rú xǔ sǔn, yóu xián sān rì xiàng lái fēng.
"Pas la moindre pousse de bambou dans tout le bosquet,
Et je maudits ces vents qui souffrent depuis trois jours."
Ce distique utilise les pousses de bambou comme symbole de vitalité printanière, normalement exuberante mais contrariée par les intempéries, reflétant la déception du poète face à l'écart entre ses attentes et la réalité.
Lecture globale
Bien que ne comptant que quatre vers, ce poème déploie une progression subtile : regret de la brièveté printanière, irritation face aux intempéries, déception devant l'absence de pousses de bambou. Le premier distique aborde la dimension temporelle, le second la dimension matérielle, approfondissant la mélancolie du poète.
Le langage, apparemment simple, transmet avec authenticité l'état psychologique du poète face à l'adversité : les intempéries externes perturbant les plaisirs festifs, le mécontentement intérieur surgissant naturellement. Pourtant, le poète ne s'abîme pas dans la plainte mais compose dix quatrains pour dissiper son ennui, révélant une capacité d'auto-apaisement.
Spécificités stylistiques
- Langage direct et sincère
Des expressions comme "exaspèrent mon âme" et "pourquoi si vite" possèdent une saveur conversationnelle, vivante et naturelle. - Paysage porteur d'émotion
Pluies, vents et pousses de bambou deviennent les vecteurs des sentiments du poète, fusionnant description objective et état subjectif. - L'universel dans le particulier
Une simple journée pluvieuse évoque le regret du temps qui fuit, s'élargissant en méditation sur l'impermanence. - Structure épurée
Quatre vers suffisent pour une structure complète (exposition-développement-conclusion), illustrant la beauté de la concision du quatrain.
Éclairages
Ce poème nous enseigne que les changements naturels influencent nos émotions, mais que les contrariétés passagères ne méritent pas une obsession durable. Yang Wanli transforme son irritation en poésie, métamorphosant l'ennui en art. Pour nous contemporains, cette approche reste pertinente : à travers l'art, l'écriture ou d'autres moyens, nous pouvons transcender les émotions négatives et apaiser notre esprit. Le poète illustre comment la création peut être un acte de résilience, transformant les intempéries de l'existence en perles poétiques.
À propos du poète
Yang Wanli (杨万里 1127 - 1206), originaire de Jishui dans le Jiangxi, fut un célèbre poète de la dynastie Song du Sud, considéré comme l'un des « Quatre Grands Maîtres de la Restauration » aux côtés de Lu You, Fan Chengda et You Mao. Il obtint le titre de jinshi en 1154 et accéda au poste d'Académicien du Pavillon Baomo. Se libérant des contraintes de l'École poétique du Jiangxi, il créa le style naturel et vivant du « Chengzhai », prônant l'apprentissage de la nature et l'utilisation d'un langage simple mais profond. Sa poésie, souvent inspirée par la vie quotidienne, influença profondément les écoles lyriques ultérieures, en particulier l'école Xingling (Esprit et Sensibilité).