L’étang aux saules est gonflé par les eaux nouvelles,
Une barque avance, poussée par deux rames.
Je m’appuie nonchalamment à la tour courbe,
Mon regard se perd dans une mélancolie universelle.
Quelques fleurs volent près des passants,
Le soleil couchant accompagne les corbeaux vers leurs nids.
Je demande : à l’ouest du pavillon peint,
Les nuages du soir touchent-ils l’horizon ?
Poème chinois
「清平乐 · 柳塘新涨」
柳塘新涨。艇子操双桨。
闲倚曲楼成怅望。是处春愁一样。傍人几点飞花。夕阳又送栖鸦。
吕本中
试问画楼西畔,暮云恐近天涯。
Explication du poème
Ce poème lyrique (ci) fut composé sous la dynastie des Song du Sud, probablement pendant la période où Lü Benzhong, ayant traversé le fleuve vers le sud, résidait dans les régions aquatiques du Jiangnan. À cette époque, la chute des Song du Nord était encore récente, et la douleur causée par l'invasion des troupes Jin persistait, laissant les lettrés empreints d'un sentiment général de "mélancolie face au temps troublé". Les villes du Jiangnan, souvent bâties près de l'eau, avec leurs pluies printanières incessantes, leurs étangs "nouvelles crues" et leurs barques naviguant entre les canaux, offraient des scènes de vie quotidienne ; tandis que les "pavillons courbes" et les "ailes ouest des pavillons peints" étaient des points d'observation typiques des bâtiments sur pilotis. Le poète, immergé dans une atmosphère d'époque extérieurement prospère mais intérieurement solitaire, utilise des images telles que l'étang aux saules, les fleurs volantes, les corbeaux revenant au nid et les nuages du soir pour lier paysages printaniers et chagrins saisonniers, tissant ensemble les nostalgies des lettrés exilés au sud, leur sentiment d'errance et les scènes réelles des régions aquatiques au crépuscule en un tableau typique de la poésie des Song, où "la beauté du paysage contraste avec la tristesse du cœur".
Première strophe : « 柳塘新涨。艇子操双桨。闲倚曲楼成怅望。是处春愁一样。 »
Liǔ táng xīn zhǎng. Tǐng zǐ cāo shuāng jiǎng. Xián yǐ qǔ lóu chéng chàng wàng. Shì chù chūn chóu yī yàng.
"L'étang aux saules est en nouvelle crue,
Le batelier manie les deux rames.
Je m'appuie nonchalamment au pavillon courbe, tombant dans une mélancolique contemplation :
En tout lieu, le chagrin printanier est le même."
La strophe s'ouvre sur "l'étang aux saules en nouvelle crue", évoquant la saison et le paysage - l'eau montante et les saules verts suggèrent discrètement l'éveil du printemps. Cependant, le poète ne se laisse pas absorber par la beauté du paysage, mais glisse vers "je m'appuie nonchalamment au pavillon courbe, tombant dans une mélancolique contemplation", faisant naître l'émotion du paysage et révélant un vide et une tristesse intérieurs. "En tout lieu, le chagrin printanier est le même" exprime directement les sentiments, élevant le chagrin printanier à une résonance universelle, reflétant une sensibilité exacerbée par les bouleversements vécus.
Seconde strophe : « 傍人几点飞花。夕阳又送栖鸦。试问画楼西畔,暮云恐近天涯。 »
Bàng rén jǐ diǎn fēi huā. Xī yáng yòu sòng qī yā. Shì wèn huà lóu xī pàn, mù yún kǒng jìn tiān yá.
"Quelques fleurs volantes frôlent les passants,
Le soleil couchant raccompagne les corbeaux vers leur perchoir.
Si j'interroge l'aile ouest du pavillon peint,
Les nuages du soir touchent peut-être déjà l'horizon du ciel."
La seconde strophe passe à une description entrelaçant plans rapprochés et lointains. Les fleurs volantes et les corbeaux revenant au nid sont des images de la fin du printemps, empreintes d'une solitude et d'un sentiment de séparation silencieux. Le vers final "les nuages du soir touchent peut-être déjà l'horizon du ciel" est d'une grande imagination, étendant le regard jusqu'à l'horizon céleste et reliant le paysage devant les yeux aux pensées infinies du voyage, exprimant de manière implicite les inquiétudes de l'errance et de la séparation.
Lecture globale
Bien que ce poème s'inspire du paysage de l'étang aux saules au crépuscule printanier, il ne se limite pas à chanter de petites scènes de loisirs, mais entrelace étroitement les paysages sous les yeux et les sentiments intérieurs. Les paysages que voit le poète sont beaux, mais ils ne peuvent dissiper la mélancolie dans son cœur, déclenchant plutôt des sentiments profonds. Les fleurs volantes, les corbeaux revenant au nid et les nuages du soir portent tous une signification symbolique de temps et de chagrin de séparation, constituant une image qui va du proche au lointain, du réel au virtuel. Ce qui émane du poème est une émotion complexe de cœur automnal au milieu d'un printemps florissant, à la fois une réponse à la solitude actuelle et un souvenir des années paisibles passées.
Spécificités stylistiques
- Fusion paysage-émotion : Le poème entier utilise habilement la description des paysages pour refléter les émotions ; les paysages semblent élégants et oisifs, mais recèlent en réalité une gravité sous-jacente.
- Combinaison mouvement-repos : La première strophe prend la montée des eaux et les rames comme scènes mouvantes, la seconde strophe prend les fleurs volantes et les corbeaux revenant au nid comme scènes mouvantes, reflétant la posture statique de la contemplation depuis le pavillon, enrichissant les niveaux de l'image.
- Entrelacement réel-virtuel : La conclusion "les nuages du soir touchent peut-être déjà l'horizon du ciel" se clôt sur une écriture virtuelle, conduisant l'imagination du lecteur vers lointain, élargissant l'espace émotionnel.
- Langage concis et implicite : L'utilisation des mots est simple, mais peut susciter des associations profondes, correspondant à l'esthétique élégante et mélancolique de la poésie des Song.
Éclairages
Ce poème nous révèle que les beaux paysages ne peuvent pas nécessairement dissiper la tristesse intérieure, et que l'élégance de l'environnement extérieur prend souvent une autre couleur en raison de l'état d'esprit. Dans la vie, l'environnement et les émotions interagissent toujours, et ce qui peut vraiment apporter la paix à l'âme n'est pas la perfection du paysage extérieur, mais l'équilibre et la libération des émotions intérieures. Le poète exprime son chagrin de séparation à travers les paysages printaniers, reflétant la sensibilité et la sensibilité des êtres humains face aux changements de vie et à l'impermanence des affaires mondaines, nous rappelant également de trouver notre propre tranquillité entre prospérité et solitude.
À propos du poète
Lü Benzhong (吕本中 1084 - 1145), originaire de Shouxian dans l'Anhui, fut un éminent poète et érudit néoconfucéen sous la dynastie Song du Sud. Théoricien clé de l'École poétique du Jiangxi, il formula le concept de « méthode vivante » (huofa), prônant des variations naturelles dans le cadre des règles poétiques établies. Auteur de plus de 1 270 poèmes conservés, sa Généalogie de l'École poétique du Jiangxi (Jiangxi Shishe Zongpai Tu) établit Huang Tingjian comme patriarche du mouvement, influençant profondément la théorie poétique des Song et servant de pont entre l'École Jiangxi et les Quatre Maîtres de la Renaissance Song.