À la Recherche du Printemps de Lü Benzhong

tan chun · lv ben zhong
Je demande en vain aux enfants de balayer la neige pour ouvrir un passage,
Je traverse les haies pour apercevoir le retour du printemps.

Les montagnes et les ruisseaux sont déserts, la boue épaisse de trois pieds,
Mes vieux amis sont dispersés, je lève une coupe de vin solitaire.

Je n’achète que des sandales de paille pour marcher dans la neige,
Et porte un bâton de roseau pour chercher les pruniers en fleurs.

Même si je vieillis comme le poète Lü Tong,
Parfois un moine voisin m’apporte encore du riz.

Poème chinois

「探春」
谩遣儿童扫雪开,却穿篱落看春回。
溪山冷落泥三尺,故旧飘零酒一杯。
止买芒鞋供踏雪,更携藜杖与寻梅。
玉川纵老生涯在,时有邻僧送米来。

吕本中

Explication du poème

Ce poème fut composé au début du printemps sous la dynastie Song. À cette époque, Lü Benzhong, déjà âgé, avait connu les vicissitudes d'une carrière officielle et les changements humains, ayant depuis longtemps transcendé la poursuite de la gloire et de la richesse, mais conservant toujours un amour profond pour la nature et la vie. Bien que les paysages du début du printemps fussent encore empreints de froid, avec la neige persistante et les premiers signes timides du renouveau saisonnier, le poète ne pouvait résister à l'envie de fouler la neige à la recherche des pruniers en fleur, aspirant à ressentir les prémices du changement des saisons. Le poème exprime à la fois sa joie face au retour du printemps, ses réflexions mélancoliques sur les amis disparus et les souvenirs évanouis, ainsi que son état d'esprit serein et détaché dans ses dernières années, vivant en bonne harmonie avec ses voisins.

Premier distique : « 谩遣儿童扫雪开,却穿篱落看春回。 »
Màn qiǎn ér tóng sǎo xuě kāi, què chuān lí luò kàn chūn huí.

"Je laisse négligemment les enfants balayer la neige,
Tandis que je traverse la haie pour voir si le printemps est revenu."

Ce distique d'ouverture associe habilement l'image de la fin de l'hiver et du début du printemps à l'impatience du poète. Le caractère "谩" (négligemment) révèle une attitude décontractée et insouciante, tandis que "却" (tandis que) suggère un revirement émotionnel, montrant sa préférence à chercher lui-même les signes du printemps plutôt que de rester confiné dans la cour, exprimant ainsi son ardent désir de la saison nouvelle.

Second distique : « 溪山冷落泥三尺,故旧飘零酒一杯。 »
Xī shān lěng luò ní sān chǐ, gù jiù piāo líng jiǔ yī bēi.

"Les ruisseaux et montagnes désolés sont couverts de boue épaisse,
Mes vieux amis dispersés, je lève une coupe de vin seul en leur mémoire."

L'émotion bascule ici vers une réalité plus froide et mélancolique. "泥三尺" (boue épaisse) dépeint de manière tangible le paysage humide et froid après la fonte des neiges, tandis que "故旧飘零" (amis dispersés) évoque les changements dans les relations humaines et l'impermanence des choses, intégrant le paysage aux sentiments pour exprimer une solitude et une nostalgie subtiles.

Troisième distique : « 止买芒鞋供踏雪,更携藜杖与寻梅。 »
Zhǐ mǎi máng xié gōng tà xuě, gèng xié lí zhàng yǔ xún méi.

"Je n'achète que des sandales de paille pour fouler la neige,
Et prends mon bâton de frêne pour chercher les pruniers en fleur."

Ce distique redonne une tonalité positive, montrant le poète bravant le froid pour se connecter à la nature. "Fouler la neige" et "chercher les pruniers" sont des activités traditionnelles associées à l'élégance lettrée, symbolisant également sa vitalité spirituelle et sa quête esthétique persistante malgré son âge avancé.

Quatrième distique : « 玉川纵老生涯在,时有邻僧送米来。 »
Yù chuān zòng lǎo shēng yá zài, shí yǒu lín sēng sòng mǐ lái.

"Même vieux comme Lu Tong de Yuchuan, ma vie demeure paisible,
Parfois, le moine voisin m'apporte du riz pour mon repas."

Le distique final compare le poète à Lu Tong (un célèbre ermite), soulignant une vieillesse paisible et une existence simple mais chaleureuse. Le détail du "moine voisin apportant du riz" est empreint d'une convivialité touchante, reflétant l'état d'esprit serein et bienveillant du poète, et concluant le poème dans une atmosphère réconfortante.

Lecture globale

Ce poème suit le fil du changement des saisons, mêlant la joie du retour du printemps, les réflexions sur les vicissitudes humaines et les plaisirs simples d'une vie tranquille. Le premier distique est vif et enthousiaste, exprimant l'impatience face au printemps ; le second bascule vers une tonalité plus mélancolique, intégrant le paysage aux émotions ; le troisième retrouve de l'élan avec la fougue de la recherche des pruniers ; et le final retourne au calme, se concluant sur une note chaleureuse et humaine. Alternant dynamisme et tranquillité, fusionnant paysages et sentiments, le poème offre à la fois des descriptions vivantes de la nature et une expression implicite d'une philosophie de vie. Avec des mots simples mais sincères, Lü Benzhong crée une œuvre d'une apparente simplicité mais d'une profondeur remarquable.

Spécificités stylistiques

La caractéristique la plus frappante de ce poème réside dans la fluidité naturelle des transitions émotionnelles, passant de l'espoir joyeux à la mélancolie, puis à l'enthousiasme, pour finir dans une sérénité chaleureuse, formant une vague émotionnelle complète. Le langage est simple mais évocateur, les mots choisis avec précision et nuance - comme "谩" (négligemment), "却" (tandis que), "泥三尺" (boue épaisse) - à la fois expressifs et profonds. Par ailleurs, le poète excelle à utiliser des détails quotidiens pour refléter son état d'esprit, donnant à l'œuvre une richesse littéraire tout en conservant une authenticité vivante.

Éclairages

Cette œuvre nous enseigne que les saisons de la vie, comme celles de la nature, ont leurs hivers rigoureux et leurs terrains boueux, mais qu'avec un cœur ouvert au printemps, on peut trouver vitalité et beauté dans le quotidien. Même face à la neige persistante et aux amis disparus, il est possible de maintenir sa passion pour la vie et sa sérénité, de vivre en harmonie avec son entourage, et de puiser du réconfort dans les petites attentions. À travers une écriture sobre, le poète esquisse une philosophie de vie : face au flux du temps et des événements, plutôt que de rechercher une splendeur éternelle, il faut chérir l'instant présent, et le printemps résidera toujours dans son cœur.

À propos du poète

Lv Benzhong

Lü Benzhong (吕本中 1084 - 1145), originaire de Shouxian dans l'Anhui, fut un éminent poète et érudit néoconfucéen sous la dynastie Song du Sud. Théoricien clé de l'École poétique du Jiangxi, il formula le concept de « méthode vivante » (huofa), prônant des variations naturelles dans le cadre des règles poétiques établies. Auteur de plus de 1 270 poèmes conservés, sa Généalogie de l'École poétique du Jiangxi (Jiangxi Shishe Zongpai Tu) établit Huang Tingjian comme patriarche du mouvement, influençant profondément la théorie poétique des Song et servant de pont entre l'École Jiangxi et les Quatre Maîtres de la Renaissance Song.

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