Les murs neufs ceignent les rocs, le temps revient,
Salles vastes encerclent le sanctuaire altier.
La cloche tonne avec l'automne, voix d'airain,
Le Bouddha voilé de nuages ouvre son trône de jade.
Eaux vives fuient par deux ravins,
Forêts planes pressent les quatre monts.
Licornes de pierre veillent sur l'allée,
La porte des pins m'emplit de mélancolie.
Poème chinois
「送觉祖院明上人」
曾巩
冠石新墙日月回,丰堂环殿起崔嵬。
钟随秋势金声壮,佛隐寒云玉座开。
流水远奔双涧去,平林高拥四山来。
麒麟细草南东路,一望松门意自哀。
Explication du poème
Ce poème d'adieu composé par Zeng Gong pour le moine Ming du monastère de Juezu (觉祖院) illustre la fusion caractéristique de sa poésie entre paysage sacré et émotion humaine. Alors que le vénérable s'apprête à quitter ces lieux, le poète peint un tableau architectural et naturel qui devient support à la mélancolie du départ, tout en célébrant la grandeur du bouddhisme Chan.
Premier couplet : « 冠石新墙日月回,丰堂环殿起崔嵬。 »
Guān shí xīn qiáng rìyuè huí, fēng táng huán diàn qǐ cuīwéi.
"Nouveaux murs couronnant les rocs - soleil et lune en leur cycle ; Salles majestueuses ceignant le temple - surgissement abrupt vers les cieux."
L'image inaugurale associe la pérennité minérale (冠石) à l'éphémère lumineux (日月回). La construction récente (新墙) s'inscrit paradoxalement dans l'éternel retour cosmique. L'architecture bouddhique (丰堂环殿) apparaît comme une excroissance tellurique (崔嵬), fusion du sacré et du géologique.
Deuxième couplet : « 钟随秋势金声壮,佛隐寒云玉座开。 »
Zhōng suí qiū shì jīn shēng zhuàng, fó yǐn hán yún yù zuò kāi.
"Cloche épousant l'automne - voix d'airain pleine de puissance ; Bouddha voilé de nuages froids - trône de jade qui se dévoile."
Le son métallique (金声) de la cloche monastique vibre à l'unisson avec la saison (秋势), créant une synesthésie liturgique. La vision du Bouddha (佛隐) alternativement caché et révélé par les strates nuageuses évoque le jeu bouddhique entre illusion et éveil.
Troisième couplet : « 流水远奔双涧去,平林高拥四山来。 »
Liú shuǐ yuǎn bēn shuāng jiàn qù, píng lín gāo yōng sì shān lái.
"Eaux vives s'élançant vers lointaines gorges jumelles ; Forêt plane recevant l'étreinte des quatre montagnes."
La dynamique hydraulique (远奔) contraste avec la stabilité sylvestre (高拥). La topographie décrite - deux ravins, quatre monts - suit la cosmologie bouddhique des éléments en interaction, où l'écoulement représente le samsara et les montagnes l'immuabilité du dharma.
Quatrième couplet : « 麒麟细草南东路,一望松门意自哀。 »
Qílín xì cǎo nán dōng lù, yī wàng sōng mén yì zì āi.
"Herbes fines où paissaient les qilin - sentier vers sud et est ; Un seul regard vers le portail de pins - et mon cœur se noue de tristesse."
La référence aux qilin (麒麟), créatures mythiques symbole de bon augure, bénit métaphoriquement le voyage du moine. Le "portail de pins" (松门), ultime image avant la séparation, devient catalyseur d'une émotion contenue mais intense (意自哀), typique de la retenue expressive de Zeng Gong.
Lecture globale
Ce poème, composé de seulement quatre vers et vingt-huit caractères chinois, présente une structure claire où paysage et émotion se fondent harmonieusement. Les deux premiers vers dépeignent la nature : la neige fondue révélant les montagnes, puis la brise printanière apportant sa douceur, créant un flux visuel naturel. Les deux derniers vers basculent vers l'émotion, évoquant à travers l'éclat « flamboyant » des fleurs l'anticipation joyeuse de leur contemplation, et introduisant avec grâce le thème de l'amitié partagée avec le « compagnon de promenade ». Le poète entrelace avec habileté les paysages printaniers et la joie intérieure, capturant non seulement la beauté du printemps, mais aussi cet état de sérénité où « le printemps réside dans le cœur humain ».
D'une langue limpide et fraîche, aux couleurs vives, le ton est détendu. Bien que bref et inspiré par l'instant, ce poème dégage une élégance intemporelle, révélant la sensibilité d'un lettré qui transcende les tumultes mondains pour s'épanouir dans la communion avec la nature.
Spécificités stylistiques
- Paysages vivants, sens caché dans la scène
Le premier distique s'ouvre sur les montagnes régénérées après la fonte des neiges. Le terme « esprit » (精神) insuffle une vitalité dynamique à ce qui pourrait n'être qu'une image statique. - Émotion à travers le paysage, fusion parfaite
Le second distique, avec les fleurs luxuriantes du jardin d'abricotiers et la promesse partagée de les admirer, transforme le printemps en médiateur émotionnel : le sentiment habite le paysage, le paysage porte le sentiment. - Langage accessible, tonalité rafraîchissante
Le poème, d'une simplicité lumineuse et sans artifice, incarne une beauté naturelle où « la poésie devient peinture, et la peinture s'anime de présence humaine ».
Éclairages
Ce poème nous invite à cultiver l'art de discerner l'espoir et la beauté dans les scènes quotidiennes. À travers les métamorphoses de la nature après l'hiver, le poète y dépose ses aspirations, nous rappelant de chérir les recommencements et la vitalité offerte par le printemps. Par ailleurs, en évoquant ce « rendez-vous avec le compagnon de fleurs », il souligne l'importance des liens humains, nous inspirant cette vérité : une existence harmonieuse ne relève pas seulement des dons de la nature, mais aussi de la capacité à partager et contempler ensemble.
À propos du poète
Zeng Gong (曾巩 1019 - 1083), originaire de Nanfeng dans la province du Jiangxi, compte parmi les illustres "Huit Grands Maîtres de la Prose des Tang-Song". Ses écrits se distinguent par leur équilibre classique élégant, célébrés pour leur argumentation rigoureuse et leur artisanat littéraire raffiné. Alors que sa poésie embrassait une subtilité sans artifice, sa prose atteignit ce que les critiques ont qualifié de "quintessence de pureté" - un accomplissement qui, bien que peut-être moins éclatant que celui de ses contemporains comme Su Shi ou Wang Anshi, lui valut une révérence posthume en tant que maître fondateur de "l'École Littéraire Nanfeng".